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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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longtemps impuissant des foucades de son aîné en économie, il avait pris le parti, dès le début des années 1990, de lui tenir tête sur certains dossiers, dont celui qui est le plus cher à ce fils d’agriculteur : que soient redonnés aux paysans cubains, ceux que la Révolution n’a pas découragés au point qu’ils affluent en ville, les moyens de nourrir Cuba.
    Un point porté au crédit du
general
est qu’il a, au début des années 1990, bien géré le rapatriement d’Angola de dizaines de milliers de militaires, en leur donnant du grain à moudre. Aujourd’hui, une partie de ces hommes est recasée dans l’économie. Dans l’agriculture, en chronique déficit de bras, où opère l’Armée des jeunes au travail (EJT). Dans le tourisme, où des gradés gèrent le conglomérat Gaviota. Également dans l’industrie. Nombre d’officiers généraux ou supérieurs ont ainsi été distribués à la tête d’entreprises regroupées dans le Gaesa qui compte plus de deux cents unités industrielles, des magasins, le Groupe de l’électronique (qui pilote des dizaines d’entreprises de logiciels, Internet, etc.) et le Cimex, basé à Panama, qui gère des supermarchés, des stations-service, diverses institutions financières, des sociétés de location d’automobiles, des agences de voyages et d’immobilier, et a la main sur les fameux cigares Havane.
    Les Forces armées ont, en trois lustres, injecté un certain réalisme (que l’on pourrait dire « capitaliste », s’il n’était officiellement nommé « perfectionnement d’entreprises ») dans la bureaucratique et pourtant pagailleuse anémie économique cubaine : nécessaire autofinancement sinon profits ; début de gestion décentralisée ; introduction de bilans comptables… S’est ainsi formée, note Sara Roumette, une journaliste qui a vécu quatre ans à Cuba, « une puissante classe de militaires managers », à la tête des « secteurs les plus dynamiques ». Dans une totale opacité, les hommes en uniforme « contrôlent à présent la majeure partie de l’économie nationale » : soit, selon la très sérieuse revue d’opposition
Cuba Encuentro
, 90 % des exportations, 60 % des ressources du tourisme, 60 % des transactions en devises, 60 % des ventes de détail en devises, etc. Ces officiers (généraux mais pas tous) ont, sans excessive ostentation, investi des quartiers résidentiels de La Havane et jouissent de privilèges (meilleurs logements et produitsalimentaires, systèmes de santé et retraites plus favorables, vacances, voitures…) qui conforment une véritable caste – une
nomenklatura
de gradés.
    Le patron du Gaesa est, fin 2012, le colonel Luis Alberto Rodríguez, époux de Deborah, une des filles de Raúl. « Monsieur gendre » vient aussi d’entrer au Comité central du PCC. Sens de la famille ou de l’avenir, le cadet des Castro, soit-il au passage noté, n’hésite pas (à la différence de Fidel) à « pousser » ses petits. Son fils Alejandro est un colonel des Services secrets, discret mais influent : il coordonne la garde de son père, et il a la haute main sur les enquêtes de corruption, ce qui lui donne barre sur tous les cadres du régime. Et l’on voit mal que Mariela, directrice d’un Centre national d’éducation sexuelle (et par ailleurs irrépressible émettrice de tweets), ait pris sans feu vert des positions si peu conformes à la rigide orthodoxie de son père Raúl en matière de mœurs. Car le saut est vertigineux de la création des Umap en 1965, véritables et rudes camps pour homosexuels, aux autorisations données en 2010 aux opérations pour changer de sexe. Pas si étonnant, dès lors, qu’à La Havane on évoque une « option dynastique » qui verrait Alejandro succéder à son père ou Luis Alberto à son beau-père – jolie revanche sur l’obscurité où l’aîné, Fidel, a tenu le « petit », « Raúlito ».
    Pour l’avenir, aujourd’hui confié à un homme qui a fêté ses quatre-vingts ans le 3 juin 2011, Raúl dispose de deux atouts maîtres : la connaissance intime d’une armée qui lui doit tant et la supervision, depuis l’affaire Ochoa, d’une police tentaculaire. On a pu calculer que, entre les réguliers, les auxiliaires, les réserves et la milice, deux millions de Cubains (plus de 15 %) ont un uniforme, ou du moins le droit d’en porter un. Le plan de Raúl pourrait être de « tenir » le temps que ce Dieu auquel il ne croit pas lui prête vie, et que

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