Fidel Castro une vie
Vienne, au Congrès mondial de la jeunesse. Avec lui voyageait un ami de Fidel à l’université : Leonel Soto, espoir du PSP communiste promis à un bel avenir sous le castrisme. Après le congrès, Raúl a visité Bucarest et Prague, revenant par Paris. De retour à Cuba, début juin, il adhère aux Jeunesses du parti. Mais il n’aura guère le temps de repayer sonvoyage : six semaines après, il s’embarque pour la Moncada. Non comme agent communiste (le PSP disqualifiera l’aventure comme « putschiste ») mais plutôt par sentiment fraternel : Fidel l’a « briefé » alors qu’il ne faisait pas partie du Mouvement.
Le début 1953 est agité à La Havane. Le centenaire de la naissance de José Martí est le 28 janvier, et tous les opposants à Batista entendent contester sa prétention à célébrer l’événement pour la gloire du régime. Les étudiants communistes sont aux premiers rangs. Une manifestation, le 15 janvier, se termine par une charge de police où une quinzaine de jeunes sont blessés. L’un décédera. Ce premier mort de la répression s’appelle… Batista – Rubén de son prénom, qui est aussi celui d’un des cinq enfants du général.
Fidel, déjà dans la pensée de la Moncada, ne peut pourtant être absent d’un événement aussi symbolique. Le patronyme Castro est représenté sur le campus, durant tout janvier, par Raúl, mais le jour J, le 28 janvier, c’est Fidel lui-même qui marche en tête de sa petite troupe (un demi-millier d’hommes) lors du défilé par lequel culminent les célébrations. Tous avancent au pas en scandant le mot « Révolution ». La police secrète semble être la seule entité à La Havane à ne pas s’être trop interrogée sur ce groupe qui s’étendait au long de « six pâtés de maisons », comme le dira Castro à son procès.
Le jour de Pâques 1953, Fidel commence ses repérages en Oriente. Il visite la mine de manganèse de Charco Redondo, dont les ouvriers pourraient être des alliés. Castro conçoit de s’y replier en cas d’échec. L’idée d’attaquer la Moncada était liée à la nécessité de trouver des armes pour le groupe. En janvier, Castro a seulement déclaré à ses compagnons qu’il y a des endroits où l’on trouve par milliers des fusils « bien graissés et entretenus ». L’hypothèse Moncada a d’abord été examinée avec Abel, puis soumise aux autres membres du comité militaire du mouvement. L’Oriente avait été le point de départ des guerres d’indépendance de 1868 et 1895. C’est là que Martí avait débarqué. Fidel n’était pas homme à négliger les symboles.
S’emparer d’armes était-il le seul but ? Plus tard, Raúl a dit : « Il s’agissait aussi, par une action d’éclat, de lancer le petit cheval de la Révolution. » L’espérance était que le succès del’opération, rendu public par une proclamation à la radio, soulèverait la très volatile population de Santiago.
Lors de sa tournée d’avril 1953, Fidel a fait le choix d’une ferme à Siboney, en arrière d’une plage populaire à quinze kilomètres de Santiago. Ernesto Tizól, un éleveur de poules de la région de La Havane, a déclaré au propriétaire qu’il désirait étendre son activité. La
granja
de Siboney – aujourd’hui musée national, tout comme la Moncada – sera le QG de l’opération. Les armes y sont transportées par petits chargements et cachées dans des puits. On aménage les lieux pour une centaine d’hommes. Les assaillants, a décidé Castro, seront en uniforme. Les femmes se sont activées à la couture. On étudie les habitudes de la caserne, les heures de relève des sentinelles. Abel s’installe à Siboney en juin.
Cependant, le Mouvement a rédigé sa proclamation. La plume est celle du poète Raúl Gómez, qui allait périr, torturé, après l’échec. Il devait être lu à la radio. Le
Manifeste de la Moncada
, présenté par une « Jeunesse aspirant à une rénovation de Cuba », comportait onze points. Le deuxième proclamait : « La Révolution se déclare libre de tous liens à l’égard des nations étrangères. » Le texte assurait au peuple « une justice sociale complète et définitive ». Enfin, la Révolution à venir professait « son respect absolu pour la Constitution donnée au peuple en 1940 ». L’hymne du 26 juillet, « La Marche de la Liberté », est composé par un jeune poète noir, Díaz Castaya, qui allait lui-même participer à l’action. Il
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