Fidel Castro une vie
exhorte :
En avant Cubains,
Cuba récompensera notre héroïsme
Puisque nous sommes des soldats
Qui allons libérer la patrie…
Que viva la revolución !
C’est devenu le
jingle
de Radio Havane ondes courtes.
À partir de la Moncada, le biographe est en terrain balisé. On peut contester des interprétations, pinailler sur des détails, achopper sur un secret. Mais les demi-vérités, les silences, les réticences couvrant les premières années de la vie de Fidel ne sont plus de mise. La Moncada dévoile le héros à son peuple. Sur l’attaque de la caserne, l’ouvrage de Robert Merle livre lesfaits. Le ton en est celui de l’année de sa parution, 1965, imprégnée du climat d’enthousiasme dans lequel baignait en France la Révolution cubaine. Mais bien des interprétations peuvent en être reproposées.
L’épisode a fasciné car c’est une lourde défaite retournée en succès. Une opération aventuriste, planifiée dans ses détails mais laissée au hasard pour l’essentiel. C’est un événement d’incertaine signification sur l’instant, mais ensuite déclaré fondateur. Le 26-Juillet reste, en 2012, le 14-Juillet de Cuba.
De l’attaque de la grande caserne de Santiago, pourtant, la presse mondiale parle à peine.
Le Monde
lui-même, plutôt attentif à l’Amérique latine, y consacre soixante-douze lignes. Il titre : « Un soulèvement populaire échoue. » Il y a quelque excuse à ne pas bien distinguer, de loin, cette « révolte » des autres « épisodes sanglants de la lutte que se livrent les partisans du dictateur Batista et les amis de l’ex-président Prío ». En outre, l’attaque se produit alors que la planète n’a qu’un sujet d’intérêt, la guerre de Corée : l’armistice en sera signé quelques heures après l’opération de Castro. Entre eux, les soldats de Batista dénommeront d’ailleurs les rebelles qu’ils traquent les « Coréens » – allusion au Nord, communiste.
Les futurs combattants ont gagné l’Est en train, en bus et à bord d’une quinzaine de voitures louées. Il y a plus de mille kilomètres. On a échelonné les départs sur près d’une semaine. Au QG de Siboney, ils se retrouvent cent vingt environ. Un autre groupe d’une trentaine d’hommes s’arrête à Bayamo, à une centaine de kilomètres au nord-ouest de la capitale de l’Oriente. Castro y a prévu l’attaque de l’autre forte caserne de la province – pour retarder l’arrivée de renforts de l’Ouest.
La date du 26 juillet n’a pas été choisie au hasard. La nuit qui précède ce dimanche est la plus longue, la plus joyeuse, la plus animée de l’année. Avec ses pétards, ses orchestres, ses farandoles, le carnaval de Santiago est l’un des plus endiablés des tropiques. La bière aura coulé à flots pour les bidasses aussi et, dès lors, aux petites heures, plus d’un cuvera.
Fidel arrive le dernier. Il a veillé aux ultimes détails à La Havane. Pour être moins reconnaissable, il s’est fait raser la moustache qui, depuis trois ans, durcit son visage. Son souci est l’impression du
Manifeste
que la blonde Naty Revuelta devra,à l’aube du 26, porter aux journaux. Le conspirateur a aussi rendu visite à son beau-frère, Rafael Díaz. Car, en un exemple d’opportunisme dont les temps abondent, le frère de Mirta est devenu secrétaire d’État à l’Intérieur de Batista, et Fidel juge que, si quelque chose a filtré de son projet, il le flairera dans ce tête-à-tête. Or, tout baigne. Castro traverse l’île en une nuit et un jour. Il fait une ultime étape à l’hôtel Grand Casino de Bayamo, où sont logés les futurs assaillants de la petite caserne. Il arrive vers 1 heure du matin, le 26, à la ferme de Siboney.
À 4 heures, branle-bas. Tous se mettent en uniforme. Une douzaine ont des « sardines » de sous-officier. Fidel révèle l’objectif. Moins de dix personnes le connaissaient. La stupeur est vive dans les rangs. La plupart croyaient à une séance d’entraînement plus poussée dans la Sierra. Quatre étudiants décident qu’ils ne seront pas de l’aventure. Castro les fait enfermer dans une pièce de la
granja
. Puis il fait le
briefing
. Huit hommes parmi les plus audacieux, dont Jesús Montané et Ramiro Valdés, sous la direction d’un des cinq membres du comité militaire, Renato Guitart, neutraliseront les sentinelles du poste de garde. Ils livreront ainsi l’accès de la cour à quatre-vingt-quatre hommes qui, sous la
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