Fidel Castro une vie
Santamaría, homme posé, organisé, complète bien le très impulsif Fidel Castro.
Avec la réunion de septembre 1952 commence, selon la geste recomposée, une phase militaire. Elle est facilitée par le recrutement d’un étudiant en ingénierie, doté de connaissances dans le maniement des armes : Pedro Miret. Celui-ci se voit confier une responsabilité capitale, l’entraînement des recrues. Resté des décennies durant une des personnalités du régime, Miret a un jour reconnu que Castro n’aurait normalement pas été son premier choix en raison de sa réputation ambiguë sur le campus, mais la carence de la classe politique imposait qu’on lui répondît présent.
L’entraînement se pratique d’abord dans les sous-sols de l’université dont « l’autonomie » est ainsi mise à profit. Début 1953, Miret emmène, cellule après cellule, les recrues s’entraîner dans des fermes isolées appartenant à des sympathisants ou à leurs parents. Fidel impose une discipline d’airain. L’exactitude, vertu peu tropicale, devient un impératif. La discrétion est d’évidence, la sobriété est aussi exigée. Chaque semaine ont lieu des séances d’autocritique des cadres, selon des méthodes mises au point par les jésuites et reprises par des marxistes. Fidel ne se tient pas à l’écart de ces examens : ce qu’il appellera « gouverner au vu et au su des masses ».
L’argent ? Car il en faut pour acheter des armes, payer les déplacements, subvenir aux besoins de quelques permanents, dont Castro. Il provient de cotisations de militants ou de contributions volontaires de sympathisant(e)s. Ni le parti de Fidel, les orthodoxes, ni sa famille ne se laissent convaincre. Trouver des armes est, en revanche, l’enfance de l’art dans un pays de tradition aussi violente, des guerres d’indépendance à l’épopée des gangs.
Mais qui sont ces hommes qui remettent leur destin entre les mains de Fidel ? La seule étude sur ce thème (de l’intérieur du castrisme) affirme que, sur les cent vingt-sept (sur un total de cent quarante-sept) futurs assaillants de la Moncada dont on a pu retracer le profil, quarante-quatre étaient des ouvriers, trente-trois des garçons de boutique ou employés, onze des journaliers agricoles et vingt-cinq pouvaient être tenus pourdes membres de la « petite bourgeoisie ». Les étudiants n’étaient qu’une demi-douzaine.
On trouve, entre tant de métiers ou conditions représentés, un chauffeur de taxi, un photographe, un dentiste, un boucher, un infirmier, un vendeur d’huîtres, un assistant de librairie, un ramoneur, un médecin, un professeur : un échantillon non sans rapport avec le pays réel. S’agissant des âges, on ne s’étonnera pas que la majorité ait de vingt à trente ans. Et deux seulement sont des femmes : Haydée et Melba. Pour les origines, on note, à observer les photos des prisonniers après l’échec, que les Noirs étaient représentés. Parmi eux figure Juan Almeida, un maçon entré en contact avec Fidel début 1953, qui deviendra numéro 3 du régime. Pour l’origine géographique, la prépondérance des gens de l’Ouest est écrasante car c’est dans la capitale et ses environs que Fidel a recruté. Il a eu la chance qu’une section entière de la Jeunesse orthodoxe, celle d’Artemisa, à l’ouest de La Havane (où Miret allait souvent entraîner les hommes), se soit rangée sous son commandement par l’intermédiaire de son responsable José Suárez : ainsi cette petite ville allait-elle fournir près du cinquième des effectifs de l’attaque contre la caserne. Parmi les «
moncadistas
» d’Artemisa figure Ramiro Valdés, futur personnage-clé du castrisme. S’agissant de l’idéologie, la prépondérance des Jeunes orthodoxes est écrasante : une sensibilité nationaliste, antiaméricaine, avec un sens populiste de la justice sociale. Les modèles sont Chibás et surtout Martí. Cela n’exclut pas une curiosité pour les maîtres des autres révolutions. Lionel Martín cite une vingtaine d’assaillants ayant lu Marx ou Lénine. Seuls trois d’entre eux étaient inscrits au PSP communiste. Mais l’un d’eux mérite mention : Raúl Castro. Le petit frère de Fidel achevait, en 1953, sa quatrième année de droit : cursus méritoire, si l’on songe à sa scolarité chaotique. En février 1953, a-t-il raconté à Robert Merle qui le rapporte dans son
Moncada, premier combat de Fidel Castro
, il était parti à
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