Fidel Castro une vie
direction de Fidel, investiront les points clés de la caserne. Deux équipes assureront une couverture extérieure : l’une, forte de vingt-quatre rebelles, dont les deux femmes Haydée et Melba, s’emparera d’un hôpital surplombant la forteresse ; et l’autre, commandée par Raúl, avec neuf hommes, se ruera dans les étages du palais de justice pour neutraliser les tireurs éventuellement postés aux fenêtres.
Puis un insolite cortège de Pontiac, Mercury, Chevrolet, Buick jusque-là remisées sous de hâtifs appentis de planches, prend la route vers l’ouest. On compte six occupants par véhicule, chacun armé qui d’une mitraillette Browning-45, qui d’un pistolet Luger, qui d’une carabine Winchester-44 et qui d’un 22-Long rifle. Tout est parti à 5 heures moins le quart pour un « top » à 5 h 15. C’est un peu juste : certes, le chemin n’est pas encombré en ce petit matin de gueule de bois mais il n’y a de place pour nul impondérable. Un véhicule qui crève, deux qui s’égarent entre chien et loup, c’est 10 % de combattants en moins ! Les lunettes de Fidel égarées, et c’est quelques minutes de retard qui ont pu changer le cours de cette histoire !
5 h 15, l’heure H, avait été choisie pour passer entre deux des rondes extérieures des sentinelles. Or, lorsque Fidel s’avance au volant de sa Buick pour s’engouffrer par la porte 3, la patrouille est devant lui. Un sergent est là aussi, par hasard. Il est abattu comme il vise Fidel. La fusillade devient générale alors que trois des hommes ayant immobilisé les sentinelles ont pénétré dans la Moncada, neutralisant une chambrée ahurie de sommeil. Guitart est le premier rebelle à mourir pour la Révolution : il est fauché devant la porte. Cependant, Abel et Raúl ont réussi, l’un au haut de l’hôpital, l’autre sur la terrasse du tribunal, à poster des mitrailleurs. Ils neutralisent les abords de la caserne plus qu’ils ne couvrent leurs camarades. Avant 6 heures du matin, Fidel doit ordonner la retraite.
À Bayamo, cependant, les combats ont cessé depuis longtemps. En dix minutes, les attaquants ont été défaits. Une dizaine sont morts. L’autre moitié de la troupe s’enfuit. Raúl se retire en bon ordre du palais de justice. Mais, à l’hôpital, Abel ne reçoit pas l’ordre de retraite. Il est encerclé avec ses hommes, sa sœur et Melba. La bataille durera trois heures, jusqu’à épuisement des munitions. Certains rebelles tentent de s’échapper en revêtant des habits civils. Mais ils sont repérés quand l’armée pénètre dans l’édifice. Abel est tiré du lit où il s’était fourré, un bandeau sur l’œil. Circule encore à Cuba une version – controversée – selon laquelle les sbires lui auraient arraché cet œil avec une baïonnette, avant de le tuer. Le traitement subi par les prisonniers est sauvage. Boris, le fiancé d’Haydée, en est la première victime : selon Montané, il fut émasculé. Tous les partisans – au moins soixante – qui, dans les trois jours de l’assaut, tombent entre les mains des hommes du colonel Chaviano del Rio, responsable de la région orientale, seront achevés.
Fidel, pour sa part, rejoint la ferme de Siboney. Voici donc un chef qui a déterminé de A à Z les modalités d’une attaque. Or, ses pertes – si l’on additionne les morts sur le terrain et dans les salles de torture du SIM (une douzaine) et les prisonniers (une trentaine) – se montent aux deux tiers des effectifs engagés. C’est accablant. Il faut que son prestige ait été grand pour que nul ne lui réclame de comptes. Haydée et Melba ont, plus tard, déclaré que le sort de Fidel avait été leur seule préoccupation.Haydée lui annonce, lorsqu’elle le revoit, prisonnier : « Abel est mort. » Son frère Castro baisse la tête et se tient immobile. « Mais je lui dis : “Ne t’en fais pas, Fidel, tu es en vie.” »
Le chef ne s’attarde pas à Siboney. Une quarantaine de compagnons y sont regroupés, y compris des blessés. Qui est volontaire pour l’accompagner dans la Sierra ? La moitié répond présent. Castro a l’idée d’implanter un maquis. Mais sans vivres ! Et, de son propre aveu, en terrain inconnu. Cependant Batista, averti du coup de force alors qu’il croisait sur son yacht au large de Varadero, fonce à Columbia organiser un QG opérationnel. L’après-midi du 26, il décrète l’état d’urgence. Il décide aussi la suspension de
Weitere Kostenlose Bücher