Fidel Castro une vie
victoire, une jolie position dans la Révolution. Il souffrait, en fait, d’une malformation qu’il ne voulait pas révéler de peur d’être « recalé » ! Cependant, dans ces exercices, un homme se révèle supérieur : Guevara. Le fait est notable car, depuis l’enfance, le Che a des crises d’asthme. Or, Mexico, on le sait, est à deux mille trois cents mètres d’altitude. La place éminente qu’il aura dans l’expédition doit donc peu à l’amitié de Fidel.
Castro, cependant, annonce avec fracas sa rupture avec le Parti orthodoxe. Le 19 mars 1956, il dévoile une réalité vieille de près d’un an : le Mouvement révolutionnaire du 26 juillet est une entité autonome. Le M-26, « organisation des humbles, pour les humbles, par les humbles », est « l’avant-garde de la lutte contre le régime ». Aux chefs encroûtés du parti de feu Chibás, il lance : « Mais qui a dit que les leaders sont éternels, que les situations ne changent pas ? » Il convient désormais, proclame Castro, de serrer les rangs autour du M-26 « sans mesquines querelles de partis ».
Le gros problème du séjour mexicain survient le 20 juin 1956. À son retour d’une tournée auprès d’exilés cubains au Costa Rica, Fidel est arrêté, armé, par la police. Ses activités ont été dénoncées par l’ambassade de La Havane à Mexico. En même temps que le chef sont arrêtés Ramiro Valdés, de la Moncada, et Oliveiro Sánchez, un ex-communiste devenu homme de confiance de Castro pour les questions de sécurité. Les trois sont conduits dans un lieu de détention pour étrangers en situation irrégulière. Ils y sont vite rejoints par une douzaine de camarades. Puis la police prépare une descente sur le ranch. Fidel l’y accompagne pour éviter un affrontement sanglant avec les recrues, qui aurait conduit à la détention et mis fin au rêve fidéliste. D’autres arrestations sont opérées. Au total, le tiers du groupe, dont les principaux chefs, hormis Raúl, sont sous les verrous.
Batista demande l’extradition. Une bataille juridique doit être livrée pour éviter cela. C’est Juan Manuel Márquez qui va sauver la situation. Alerté par Raúl, il se précipite à Mexico et engage deux bons avocats. Une partie des sommes collectéesservira à les payer. Leur service ne sera pas inutile : en moins de deux semaines, un juge ordonne la relaxe des Cubains. L’ordonnance tardera à être exécutée ; au moins l’extradition est-elle évitée.
Cependant, l’ambassade s’active. Elle alerte la presse mexicaine : Castro et six de ses camarades sont « communistes ». Les journaux se montrent sensibles au fait que Fidel a eu des contacts avec Lombardo Toledano, secrétaire de la Confédération nationale du travail et numéro 2 de la Fédération syndicale mondiale (FSM), sise à Prague. De son lieu de détention, Castro envoie à
Bohemia
un article : « Assez de mensonges ! » L’accusation de « philocommunisme » était d’évidence une manière de détruire Castro en minant son crédit – à défaut de pouvoir s’emparer de sa personne. Fidel comprend si bien le danger qu’il en rajoute dans la dénégation, contre-attaque même : « Quel culot, ce Batista de parler de communisme alors qu’à l’élection de 1940, ses affiches électorales se trouvaient sous l’emblème de la faucille et du marteau… et qu’une demi-douzaine de ses ministres et collaborateurs… ont été membres éminents du PSP. » Cela a été repris pour démontrer que Castro n’était pas communiste en 1956, comme la suggestion en a été faite depuis, de droite et de gauche. Ce texte ne signifie qu’une seule chose : Castro est dans une sale passe, et prêt à tout pour s’en sortir.
La nouvelle de sa détention a fait du bruit chez les Cubains de Mexico. Des compatriotes viennent le voir en prison. Parmi eux, Teresa Casuso, qui allait devenir la première attachée de presse de Castro après la victoire, avant de rompre avec lui. Elle a laissé un livre de souvenirs, où elle décrit ainsi Fidel dans la grande cour de l’Immigration : « Grand, bien rasé, les cheveux châtains frais coupés, vêtu sobrement d’un costume marron, dominant les autres du regard et de la stature. » Une photo de lui à travers les grilles est conforme à ce portrait. Peu avant, Hilda Guevara l’avait ainsi vu : « Très blanc et grand, massif sans être gras, avec des cheveux noirs, brillants et bouclés, une moustache, des gestes
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