Fidel Castro une vie
plus poussés avec les « leaders naturels » des communautés. Il en attend qu’ils mettent sur pied des « associations patriotiques » prolongeant le soutien financier par-delà le moment de l’émotion. Une dizaine de ces « clubs fidélistes » seront fondés, animés par Juan Manuel Márquez, que le chef du M-26 laisse à Miami comme son représentant aux États-Unis. Castro aurait recueilli dix mille dollars, chiffre fort substantiel pour l’époque. En Floride, Castro retrouve Fidelito, enlevé à sa mère par sa sœur Lidia !
À Key West, l’îlot américain le plus proche de Cuba, il écrit son
Deuxième Manifeste du Mouvement du 26 juillet
, dernier document avant le débarquement. Le plan de l’action à venir y est révélé : il s’agit, cette fois, à la différence du 26 juillet 1953, de « préparer en grand le pays à la Révolution. Des consignes seront données aux masses, qu’elles devront suivre quand éclatera, en tempête, la rébellion nationale. » Cette tournée reçoit une ample publicité dans la presse cubaine. Des éditoriaux soupèsent l’impact du « fidélisme » sur la vie et la classe politique de l’île. Ils constatent que « l’ombre de Castro » devient « géante ». Une note grinçante apparaît dans
Bohemia
, d’ordinaire très favorable : un article intitulé « La patrie n’appartient pas à Fidel ». Si Castro devient maître de Cuba, écrit l’auteur, Miguel Hernández – un
auténtico
–, il se fera « le dispensateur des grâces politiques, morales et spirituelles… Dieu et César réunis… »
Muni de fonds, Castro retourne voir Bayo et lui rappelle sa promesse. L’entraînement de la première cinquantaine de volontaires commence à Mexico : footing le long des rues, canoë sur le lac de Chapultepec,
close-combat
dans un gymnase,sports d’équipe sur des terrains de quartiers. Pour acquérir de la résistance, on sort dans les montagnes environnantes. Certains entreprennent l’ascension du Popocatépetl et de l’Ixtacihuatl, les volcans jumeaux dont les silhouettes pointent au sud d’une ville non encore polluée. On a loué six appartements sommaires. La vie s’y organise, spartiate. Et déjà militaire pour ce qui est de la sécurité. Fidel, qui n’a connu aucune trahison lors de la Moncada, est pourtant devenu très soupçonneux. Chacun doit surveiller l’autre. Les approches de la gent féminine ne sont permises qu’opérées par deux. Le 2 janvier 1956, la police cubaine annonce la découverte dans l’île d’un complot dirigé par le « docteur Castro ». Batista n’a pu manquer d’être alerté sur le succès de la tournée américaine. Il fait donc arrêter des sympathisants du M-26 dans l’île. Et un colonel des services secrets commence à rôder autour du groupe à Mexico.
En février, l’entraînement militaire commence. « Castro m’a dit de chercher aux environs de Mexico un grand ranch dans une zone montagneuse », raconte Bayo. Il le trouve vers Chalco, à quarante kilomètres au sud-est. Santa Rosa est la propriété d’un proche de feu le bandit révolutionnaire Pancho Villa. Cours théoriques et exercices pratiques se succèdent à vive cadence. Mais, un jour, se pose un grave problème. L’un des jeunes gens, Calixto Moráles, « s’arrêta pendant la marche pour se reposer et, allumant une cigarette, se refusa à continuer ». Castro, qui ne suivait l’instruction qu’irrégulièrement, en raison de ses obligations politiques, est alerté. « Il arriva bientôt au ranch. » Un conseil de guerre est constitué. Fidel le préside, Raúl est désigné procureur et les membres du groupe forment le jury. Moráles explique que des marches aussi harassantes et nombreuses sont inutiles. Fidel demande la peine de mort. « Il suait l’indignation par tous les pores et criait qu’on stoppe cette gangrène », raconte Bayo.
Fidel a démontré un goût réel pour ce genre de procès. Mais Raúl, selon l’Espagnol, est plus inflexible encore : « Lui est d’acier trempé… un terrible défenseur des principes révolutionnaires. » Bayo fait valoir qu’exécuter quelqu’un en pays étranger est un gros risque. Calixto, pourtant, est condamné. Mais il ne sera pas fusillé : il demeurera sous surveillance armée jusqu’à l’embarquement de ses camarades. L’intéressé parviendra, parsa conduite, à rentrer en grâce. Il fera partie de l’expédition et combattra assez vaillamment pour acquérir, après la
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