Fidel Castro une vie
son frère après l’
abrazo
. Lorsque Fidel apprend qu’il en a cinq, il a un mot qui sera colporté : « Avec les miens ça fait sept, nous avons gagné. » S’il est un trait par lequel Fidel surpasse les autres, c’est cette capacité à instiller l’optimisme quand tout semble perdu. Le lendemain, un isolé arrive avec son fusil : Calixto Moráles, celui qui avait failli être exécuté au Mexique ! Puis, le 21, guidés par Guillermo García (reparti sitôt Fidel mis à couvert), arrivent six rebelles, quasiment tout le futur état-major de la Révolution, avec, notamment, Che, Camilo, Valdés et Almeida. Avant la fin de l’année, la troupe récupérera encore cinq rescapés du
Granma
: au total vingt hommes, auxquels s’ajouteront trois autres en février 1957.
Dans son premier discours de vainqueur à La Havane, le 8 janvier 1959, Fidel retouchera, à son ordinaire, la vérité. Ils étaient « douze », les premiers compagnons de la Sierra ! Ce chiffre est au confluent de deux traditions. La plus certaine est le fait que Céspedes, initiateur en 1868 de la première guerre d’indépendance contre l’Espagne, avait assuré pouvoir poursuivre le combat avec seulement douze hommes. La volonté d’établir un parallèle avec le Christ et ses disciples est également évidente dans l’insistance avec laquelle ce chiffre a été colporté sans esprit critique.
En toute hypothèse, la petite troupe s’enrichit vite de nouveaux venus autochtones – petits fermiers sans titre de propriété, journaliers, chefs de communautés rurales. Les familles de la Sierra sont prolifiques, et certaines donnent plusieurs des leurs à la guérilla : quatre frères García, par exemple. Mais il y aura aussi des défections, trahisons, ou abandons qu’explique la difficulté. À la mi-février de 1957, le groupe ne dépassera pas la vingtaine.
Fidel était d’évidence inquiet de ne pas avoir une arme par homme. García va donc retourner battre les fourrés autour d’Alegría de Pío pour y retrouver quelques fusils abandonnés. Cependant, le repas de Noël est allègre, on se régale d’un porcelet à la broche arrosé de vin. Toutefois, Castro décide de lever le camp aussitôt pour reprendre la marche vers une partie de la Sierra moins accessible aux gouvernementaux. Ce même jour, Faustino Pérez, un des bras droits de Fidel, arrive à La Havane après avoir rencontré Celia à Manzanillo, et Frank País à Santiago. Faustino sera, un an et demi, le représentant de Fidel dans la capitale. Sa mission : rappeler constamment à ceux de la lointaine et indolente cité les besoins de la Sierra en armes, en argent, en matériel.
Il est temps désormais de frapper un coup pour « annuler » Alegría de Pío et faire connaître que la guérilla vit. La première victoire des rebelles sera, le 17 janvier 1957, la prise de la petite caserne de la Plata, en lisière de la mer des Caraïbes, au piémont méridional de la Sierra Maestra occidentale. Pas un grand fait d’armes. Mais un coup psychologique, compte tenu de ce que la survie même de Fidel est contestée à La Havane. L’attaque, lancée à 2 h 40 du matin, est menée rondement. Cette fois, Castro a bien préparé l’opération. Se faisant passer pour le chef d’un commando batistien en quête des rebelles, il extorque des renseignements au contremaître, ivre, d’un domaine. Puis il le fait fusiller : la première de ces dizaines d’exécutions sommaires auxquelles procéderont les rebelles – « traîtres », « espions » ou simples agents de gros propriétaires brutaux envers les petits paysans…
Vingt-six guérilleros lancent l’attaque contre la douzaine de gardes ruraux de la Plata. Les maigres effectifs ennemis sont vite mis hors de combat. Les rebelles n’ont pas une égratignure. Castro inaugure sa méthode consistant à bien traiter les soldats tombés entre ses mains. Il va jusqu’à les faire soigner lorsque la trousse du Che rend la chose possible. Les guérilleros s’emparent de neuf fusils Springfield, d’une mitraillette Thompson et de milliers de cartouches. Leur stock en est doublé ! Cette première victoire ne sera pas sans conséquence. La plus immédiate sera une reprise de la traque par les gouvernementaux : des semaines durant, les fidélistes seront « serrés ».À trois reprises, le groupe sera contraint de se disperser sous des attaques aériennes. La situation sera rendue plus précaire par le fait qu’un guide
Weitere Kostenlose Bücher