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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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fut un naufrage », commente le Che, sarcastique à son ordinaire. Il y a deux kilomètres de végétation à traverser, un homme le vérifie, en cette petite aube, en grimpant sur un palétuvier. Pas question de se charger de matériel tant, déjà, le « poids de la bête » enfonce chacun jusqu’à la taille. Sauver les fusils sera déjà un exploit. Il faut deux heures pour sortir du piège – on imagine dans quel état. Fidel constate que les quatre-vingt-deux répondent à l’appel : « Une armée d’ombres et de fantômes… » Le manège a été observé par l’un de ces hommes, nombreux en Oriente, qui font du charbon de bois : Ángel Pérez est le premier Cubain qu’ils rencontrent. « N’ayez pas peur, je suis Fidel Castro et nous sommes venus libérer le peuple cubain », déclare le chef, superbe. Pourtant, des bruits d’explosion parviennent du large : on tire maintenant, de mer et d’avion, sur le
Granma
échoué. L’arrivée du yacht a été signalée par deux navires. La Garde rurale, sorte de gendarmerie, est alertée. La troupe décampe. Cheminant à couvert, d’écart en écart, elleéchappe aux recherches. La marche vers l’est, la Sierra, est lente : les hommes sont épuisés par sept jours de mer et les privations. Pour tromper leur faim, ils sucent des bouts de ces cannes gorgées de sucre que la plaine de Niquero, où ils ont abordé, porte en abondance. Une erreur a aussi été commise : les hommes ont reçu en dotation, au petit matin, des bottes neuves, qui les blessent.
    Les soixante premières heures, Fidel suit un rythme « normal » : marche le jour, repos la nuit. Ici, un paysan indique un point d’eau, là un autre fait un bout d’escorte. La troisième nuit, le chef décide qu’on ne s’arrêtera pas : on dormira le jour suivant, car marcher en pleine lumière dans les cannaies d’un des domaines de Julio Lobo, le « roi du sucre » cubain, est trop risqué. Le camp s’éveille donc le 5 décembre vers 16 heures. On est en un lieu dénommé Alegría de Pío, à trente-cinq kilomètres de la mer, au piémont de la Maestra. Les hommes remettent leurs bottes, après avoir mangé la saucisse en boîte et les deux crackers auxquels ils ont droit. Montané et le Che sont assis « dos à un arbre, parlant de leurs enfants ».
    Soudain, un « ouragan de balles » s’abat. Bien qu’alerté par une activité aérienne de
pipers
passant et repassant dans les environs, les guérilleros novices et leur chef n’ont pas posté de sentinelles à distance du camp, afin que du temps soit laissé entre une éventuelle alerte et une attaque. À 16 h 30, écrira Raúl dans son journal, « l’hécatombe a commencé ». Une centaine de gardes ruraux, armés de fusils et de mitrailleuses, offrent aux quatre-vingt-deux un rude baptême du feu. Un petit nombre, nul ne rapporte combien, meurt. Bien que Juan Almeida se soit exclamé, dit la geste : « Ici, personne ne se rend », il y aura trente prisonniers, dont la moitié seront exécutés sur-le-champ, tel Márquez, qui fut représentant du M-26 aux États-Unis, et Nico López, compagnon de la première heure. Montané, lui, s’en sortira, condamné à une lourde peine de prison. Guevara est blessé au cou.
    Les survivants sont dispersés. Une demi-douzaine de groupes se forment, dont quatre seulement poursuivront la lutte. Ils vont mettre trois semaines à se réunir. Fidel se retrouve d’abord seul en compagnie d’Universo Sánchez, responsable de sa sécurité. Puis Faustino Pérez les rejoint. « À un certainmoment, j’ai été commandant en chef de deux hommes », rappellera le
Lider
, qui ne déteste pas la mise en scène. Cette situation durera quinze jours. Un autre sous-groupe de quatre s’est constitué autour de Guevara avec Almeida et Valdés. Il retrouve vite, le long de la mer, quatre autres rescapés, sous la conduite d’un homme qui deviendra célèbre dans cette histoire : Camilo Cienfuegos. C’est un jeune ouvrier que la police batistienne a, un an plus tôt, blessé lors d’une manifestation ; il s’est alors exilé, rejoignant Fidel à Mexico. Les huit mangent des petits crabes crus et boivent de l’eau aspirée dans des creux de rocher grâce à l’inhalateur anti-asthme de Guevara. Le chef de l’ultime sous-groupe, fort lui aussi de quatre personnes, c’est Raúl : le jeune Castro affirme ainsi son sens du terrain. Trois isolés poursuivent, par ailleurs, leur progression.
    Batista proclame sa

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