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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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paysan, Eutimio Guerra, a été « retourné » par un commandant batistien : plus d’une fois, il conduira les gouvernementaux sur les talons des rebelles. Il aurait même passé une nuit sous la couverture du commandant, armé d’un pistolet… Démasqué, il sera exécuté.
    Une autre conséquence de la Plata est un resserrement du contrôle des réguliers sur la population. Quiconque est soupçonné d’avoir aidé les rebelles est torturé pour le renseignement puis exécuté pour l’exemple. Outre l’intimidation, les batistiens pratiquent l’évacuation de vallées, pour faire de la Sierra un champ libre pour leurs opérations. Les tentatives de certains gradés de combiner la répression à une réhabilitation économique des habitants de la zone regroupés à la périphérie échoueront, faute de recevoir l’appui d’un état-major plutôt borné. Cette politique des forces armées conduit à des enrôlements chez les castristes : il devient moins risqué, pour le paysan, de circuler dans la montagne un fusil à la main que de tomber « innocent » aux mains de soldats exaspérés par leur quête d’un ennemi insaisissable.
    Vers la mi-février 1957, serrés de près et trempés par la pluie tropicale fort drue en cette saison, la vingtaine de fidélistes rebrousse chemin vers l’ouest, en direction de Manzanillo. Le 16 après-midi, dans une ferme amie, Fidel confère avec les deux plus hauts responsables de l’Oriente : País, qu’il n’avait pas revu depuis Mexico, et Celia, coordinatrice pour la région de Manzanillo, dont il fait la connaissance. Manzanillo est « la porte » de la Sierra – une cité « de gauche », plutôt communiste, mais pas insensible au combat de Castro. Celia devient responsable de la logistique. Puis arrive, de Santiago, Vilma Espín. Elle n’est pas de la Direction nationale, mais elle est si active que País a décidé de l’amener. Elle fait, ce jour, la connaissance de Raúl, qu’elle épousera. Il y a aussi Haydée, venue de La Havane en compagnie de celui qui sera longtemps son époux, Armando Hart. Et Faustino Pérez. Fidel formule ce qui serait son mot d’ordre pour les deux ans à venir : « Tout pour la Sierra » – pour « sa » guérilla.
    Le lendemain, 17 février, Castro consacre la matinée à Herbert Matthews. À cinquante-sept ans, ce journaliste du
New York Times
est l’un des meilleurs connaisseurs, aux États-Unis, de l’Amérique latine. Il a entendu parler de « l’affaire de l’Oriente », et demandé qu’on l’y envoie. Ça tombe bien : le commandant veut « mettre le paquet » pour percer le mur de silence dont veut l’entourer Batista… « La situation dangereuse où nous nous trouvions était évidente, se souviendra Matthews. Tout le matin, nous dûmes chuchoter… si proches étaient les soldats de Batista. » Matthews ne perçoit pas combien les forces de Fidel sont dérisoires. Le chef a mis au point un scénario : à l’autre bout de la clairière, des patrouilles passent et repassent. Fidel parle de ses escouades « de dix à quarante hommes », dont il ne peut « évidemment » pas révéler le nombre ! Matthews est conquis : « La personnalité de cet homme est écrasante. Il est facile de voir pourquoi ses hommes l’adorent et aussi pourquoi il a frappé l’imagination de la jeunesse dans l’île. C’est un fanatique instruit et dévoué à sa cause, un idéaliste plein de courage, aux remarquables qualités de chef. » Le reportage paraîtra en trois volets fin février. L’importance du
New York Times
dans une société tournée vers les États-Unis, la présentation flatteuse du « personnage » : pour Castro, c’est une (r)entrée par la grande porte. Matthews a dû, par la suite, se défendre d’avoir « lancé » le Cubain : « Nulle publicité… n’aurait marché si Fidel n’avait pas été l’homme que j’ai décrit. » Le récit, en tout cas, a un impact en Amérique. Deux années durant, Castro sera le « Robin des bois romantique » face à l’affreux Batista – en parfait contraste avec le démon qu’il deviendra après la victoire. Le ministre de la Guerre cubain dit que l’interview est un faux. Le lendemain, le
New York Times
publie la photo du journaliste fumant un
tabaco
avec Fidel ! Pour démultiplier l’effet escompté de la publication, le chef de la guérilla écrit le 20 février, sitôt après le départ de Matthews, un
Appel au peuple de Cuba
: « C’est de la Sierra Maestra,

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