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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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des pluies battantes, avec les batistiens aux trousses. On est tributaire, pour la nourriture, de paysans effrayés par les représailles. Rien ne suggère, pourtant, que Fidel ait vacillé. Les photos le montrent immense, dominant son entourage, fusil au dos, lunettes d’écaille toujours sur le nez afin de pouvoir viser instantanément. Il est en grande forme. Ses compagnons l’ont surnommé «
el caballo
» (le cheval) pour sa robustesse. L’un d’eux dira : « Il allait si vite dans les marches à travers la montagne que, lorsque nous avions envie de ralentir, nous le faisions monter à dos de mule… » Un seul problème : il a de mauvaises dents et il n’y a pas de dentiste dans la Sierra ! Le Che, qui s’essaie à cette discipline, n’est pas doué.
    Peu à peu, cependant, les choses s’organisent. Le 15 mars 1957, les renforts annoncés le 16 février à la conférence des chefs du M-26 arrivent enfin de Santiago : cinquante hommes, de quoi tripler les effectifs. Peut-être même y a-t-il risque de débordement des anciens par les « bleus ». Le chef de la nouvelle troupe, en toute certitude, ne plaît pas à Fidel. C’est pourtant Jorge Sotus, qui a conduit, le 30 novembre, l’assaut vainqueur contre la Police maritime de la capitale de l’Oriente. Mais il arrive paré du titre autodécerné de « capitaine », accompagné de cinq « lieutenants » ! Fidel ne peut guère faire la fine bouche ; ni, face à un corps déjà constitué, imposer une autorité. Il entreprend donc une réorganisation souple. Il divise la troupe entière en trois patrouilles, commandées respectivement par Raúl, Almeida et Sotus : ainsi, ce dernier n’est plus le chef de près des trois quarts des effectifs, mais l’un des trois seconds de Castro. Cienfuegos reçoit le commandement d’une avant-garde de quatre hommes et une arrière-garde (trois hommes) est confiée à Efigenio Ameijeiras, un ancien du
Granma
. Fidel, lui, marchera à la tête de sa propre patrouille d’une douzaine de «
barbudos
», au centre-arrière de la colonne. Il est entouré d’un modeste état-major comprenant notamment le médecin Guevara. Ce dispositif sera complété par un organe « politique », où Sotus est isolé parmi huit castristes : outre Fidel et Raúl, Almeida, Cienfuegos, Guevara et les paysans Ciro Frías, García et Manuel Fajardo.
    Que faire de cette force nouvelle ainsi réorganisée ? Le Che estime qu’il faut tout de suite l’aguerrir. Il pensait s’emparer d’un camion des forces régulières, ce qui donne la mesure des ambitions de cette époque ! Pour Fidel, il importe d’abord que tous se rompent à la Sierra. Ce seront donc des semaines de marches, avec tirs, franchissements de rivières, etc. La troupe apprend la montagne pic à pic, vallée par vallée, cahute par cahute. L’ordinaire est maigre : certains ont un haut-le-cœur quand ils doivent, pour la première fois de leur vie, manger du cheval ! L’arrivée de journalistes américains – un rite, désormais – rompt la routine. Pour les besoins d’un tournage de CBS, la colonne fait l’ascension du Turquin.
    Le 28 mai 1957, c’est l’attaque d’une nouvelle caserne, bien plus importante que La Plata : Uvero, à mi-distance de cap Cruzet de Santiago. L’action est un succès, mais non sans casse : un cinquième des quatre-vingts attaquants (auxquels se joint Celia, première femme à combattre) restent sur le terrain, tués (six) ou blessés (neuf). Mais les pertes en face sont bien plus élevées. La merveille, pour cette troupe sous-armée, c’est le butin abandonné par les défenseurs : trois mitrailleuses avec trépied, trois fusils-mitrailleurs, neuf M
.
1, dix pistolets automatiques et des caisses de munitions… Les rebelles retournent galvanisés à leur nid d’aigle.
    Dès la fin du printemps 1957, la guérilla a ainsi imposé un
statu quo
dans le maquis : elle est bien trop faible pour passer à la bataille frontale mais elle est devenue trop forte pour qu’on lui cherche noise sans risquer gros. Ainsi a pris corps ce que la geste a appelé le « territoire libre » : une zone de plusieurs dizaines puis quelques centaines de kilomètres carrés, où les batistiens ne s’aventurent guère, ne pratiquant que quelques bombardements aériens. Dans ce quadrilatère, l’armée rebelle organise un embryon d’État. Les premiers services sont des écoles rudimentaires et des hôpitaux de campagne. Les maîtres bénévoles ne manquent

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