Fidel Castro une vie
apprise par les radios. Sa réaction n’est en rien violente. Il rappelle que « nous ne pratiquons pas le système des otages ». Deux aspects le préoccupent : la campagne internationale, et surtout l’impression, qui risque de prévaloir, « qu’une anarchie complète règne au sein de notre armée ». En réalité, Fidel a compris que son frère a eu désespérément besoin de retrouver une marge de manœuvre. De fait, les rebelles observent que les raids aériens se sont interrompus sitôt après la prise des premiers otages. Le commandant en chef ordonne la libération des Nord-Américains, mais il laissetoute latitude à son cadet pour la mettre en œuvre. Raúl prend son temps, libérant ses prisonniers par petits groupes, les civils d’abord. Les six derniers militaires rentrent à Guantanamo le 18 juillet. Tous ont été si bien traités que certains entament une louange du castrisme.
Entre-temps, Fidel a entrepris de concasser les bribes d’armée accrochées aux pentes de la Maestra. Un problème se présente à lui : il ne sait plus quoi faire du flot croissant des prisonniers. Le 14 juillet, un appel est lancé à la Croix-Rouge, et quinze ambulances se mettent en route. Les rebelles, eux, n’auront pas un seul détenu, mais cinquante-sept tués : près de 15 % de leurs effectifs engagés. Et, parmi eux, cinq officiers, le cinquième de l’encadrement des rebelles : une proportion qui démontre que les chefs barbus n’étaient pas des planqués. Parmi les morts figure René Latour. Les gouvernementaux, eux, ont perdu mille hommes : trois cent cinquante tués, quatre cent cinquante prisonniers, deux cents blessés – soit aussi 15 % des effectifs. Comme les rebelles remettent, le 12 août, des prisonniers à la Croix-Rouge, Fidel est invité par le colonel qui surveille l’opération à… faire un tour en hélicoptère ! Les
comandantes
sont affolés mais l’amour de leur chef pour les modernes jouets de guerre sera le plus fort.
Le 20 juillet a été signé, à Caracas, un pacte entre huit organisations d’opposition – sans les communistes – et le M-26. Fidel est reconnu « commandant en chef » des forces militaires du « Front révolutionnaire démocratique » – autant dire de toute l’île rebelle. Le « coordinateur » de ce nouveau mouvement uni est le bâtonnier de La Havane, José Miró Cardona. Dernier grand texte avant la victoire, le « Pacte de Caracas » est le plus lénifiant des documents jamais signés ou cosignés par Fidel : l’absolue priorité du jour est de ne rien faire qui inquiète les modérés.
Le QG du camp Columbia, quant à lui, annonce, le 6 août, qu’une « grande offensive a provoqué de nombreuses pertes » chez les rebelles : ainsi s’achève l’opération « Fin de Fidel ». La radio des insurgés, elle, diffuse un bilan de ce qui a été, à l’échelle de Cuba, une grande bataille. Violeta Casals, une speakerine aimée de Castro, s’attardera à décompter les armes abandonnées par les gouvernementaux – dont trois blindés !
Le 20 août, Fidel invite les militaires « honnêtes » à renverser Batista, faute de quoi l’armée « se suicidera en tant qu’institution ». En contraste avec la phobie de Fidel envers toute intervention des casernes dans le champ politique, les contacts sont tenus durant tout l’automne entre le « commandement en chef » et de hauts gradés en vue de ralliements d’unités régulières. Pourtant, les négociations piétinent car les interlocuteurs du M-26 entendent peser sur l’avenir. Comme chef d’état-major d’une armée « mixte » (rebelles et réguliers), ils songent au colonel Barquín, enfermé à l’île des Pins depuis le « complot des purs ». Or le commandant militaire du « Front révolutionnaire démocratique » ne veut rien concéder.
L’ordre de lancement de l’offensive finale est secrètement lancé le 18 août : « Mission est donnée au commandant Camilo Cienfuegos de conduire une colonne rebelle de la Sierra Maestra à la province de Pinar del Rio. » Camilo avait déjà exploré la plaine au nord de la Maestra. Le choix de cet homme – à la tête de cent quatre-vingts hommes – s’impose donc à l’heure d’aller porter la guérilla à l’exact opposé, dans la partie la plus occidentale de Cuba, à cent cinquante kilomètres au-delà de La Havane. L’avant-veille, pourtant, Castro lui avait passé un savon : « Comme les autres, tu as une fâcheuse tendance à
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