Fidel Castro une vie
que Che. »
Sur les moyens, Guevara est laissé maître. Castro conseille seulement de « ne recourir à la force qu’en cas de légitime défense ou si cela devient de stricte nécessité révolutionnaire… Si l’on doit prendre des mesures draconiennes, il faut donner un coup décisif, de façon que la question soit résolue une fois pour toutes ». C’est le conseil de Machiavel au Prince !
Début novembre seulement, Guevara parviendra à un accord global dans l’Escambray. Pour Castro, l’avoir choisi comme « plénipotentiaire » était un risque, car sa réputation de marxiste l’avait précédé. Or, le M-26 régional était, lui, très anticommuniste : « Si le Che veut qu’on l’aide, qu’il le demande par écrit ; sinon qu’il aille se faire foutre ! » L’Argentin rétorque qu’il y a un « abîme » entre lui et le M-26, et qu’un jour la Révolution et le Mouvement se sépareront. Prophète, Guevara est également bon négociateur. Il organise l’unité tactique pour le combat à venir : couper l’île en deux, entre l’Escambray au sud et la mer au nord, afin que la « base rebelle » d’Oriente ne soit plus menacée par les renforts de La Havane.
Cependant, le front d’Oriente est, lui aussi, entré dans une vive activité. Fidel, d’une part, se met à avancer lentement hors de sa forteresse de la Maestra en direction de la route centrale Santiago-La Havane. Il entend la couper pour étouffer la capitale de l’Oriente. Raúl, d’autre part, avec son vif sens militaire, entreprend, cet automne 1958, de réduire toutes les petites garnisons de l’extrême est, entre Guantanamo et la baie de Nipe.Enfin, Juan Almeida et plusieurs colonnes constituées après la bataille de l’été commencent, en octobre, l’enserrement à moyenne distance de Santiago. L’objectif est de se rendre maître de la campagne pour faire tomber les villes d’importance intermédiaire de l’Oriente, avant sa capitale.
Ce plan méthodique était également destiné à paralyser des élections générales prévues le 3 novembre : pour les rebelles, une « mascarade ». Tout est fait pour en contrarier le déroulement : interdiction lancée aux Cubains de se déplacer dans les jours précédents ; menaces de mort à l’endroit des dix mille Cubains qui, deux mois avant l’effondrement, ont cru bon d’être candidats. Un pâle politicien, ex-secrétaire de Batista, Rivero Agüero, est élu contre l’orthodoxe Márquez Sterling et l’inévitable authentique Grau. Moins de la moitié des citoyens ont voté. Rivero Agüero est censé succéder à Batista à la mi-1959 ; mais qui va croire à l’effacement volontaire de l’homme dominant Cuba depuis vingt-cinq ans ?
L’emprise des révolutionnaires, cependant, se consolide. Fin août, Fidel a ordonné qu’une commission « visite tous les propriétaires d’entreprises sucrières d’Oriente pour les informer de l’établissement, par disposition de l’armée rebelle, d’un impôt de quinze centimes par sac de sucre de deux cent cinquante livres ». L’exécution de cette « obligation de la part du contribuable » donne droit aux garanties des insurgés ; en cas contraire, des « sanctions » sont annoncées : cette menace voilée de recommencer la campagne d’incendie des cannaies de l’année précédente est prise au sérieux, et les caisses des rebelles s’emplissent. Dès lors, on achète massivement armes et munitions. Une quinzaine d’avions parviendront ainsi à atterrir dans la zone libérée par Raúl, plus aisée que la Maestra.
Cependant, Fidel et sa « colonne numéro 1 » avancent vers l’est. À l’approche d’une victoire qu’il imagine pour le début de 1959, son rôle est désormais celui d’un chef politique. Pourtant, il ne parvient pas à renoncer à celui de chef de guerre : le pouvoir repose, en dernière instance, sur les armes.
L’ultime campagne des rebelles comptera deux brillants stratèges : Raúl dans l’Oriente et Guevara, à la fois commandant visionnaire et capitaine intrépide, en Las Villas. Cienfuegos, lui,piétinera devant Yaguajay, près de Santa Clara, et Almeida sera immobilisé par l’encerclement de Santiago.
Quant à Fidel, sa campagne finale est gâchée par la résistance opposée, vingt jours durant, par une garnison un peu à l’écart de la route centrale : « Ceux de Maffo, j’en ai vraiment plein le cul, je te jure, écrit-il. Ils auront vraiment du bol si je ne les fais pas
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