Fidel Castro une vie
son homologue cubain des armes et même des soldats. Mû par quelque perception géopolitique, Israël effectue aussi des livraisons. Et la Grande-Bretagne fournira des avions. Quant aux États-Unis, en juin 1958, Castro écrit à Celia un célèbre billet, encore exposé au musée de la Moncada, lequel ôte tout doute sur les sentiments de Castro à leur encontre, un semestre
avant
son arrivée au pouvoir : « En voyant les roquettes que l’ennemi a lancées sur la maison de Marcio [un paysan de la Sierra], je me suis juréque les Américains paieraient très cher ce qu’ils sont en train de faire. Quand cette guerre finira commencera pour moi une guerre beaucoup plus longue et plus violente, celle que je leur ferai. Je me rends compte que tel sera mon véritable destin. » C’était donc dit !
L’échec de la grève générale d’avril induit Batista à penser que la force de ses opposants a été exagérée, par sa propre police ou par les journalistes étrangers. Aussi prépare-t-il avec confiance une grande offensive « F.F. » (fin de Fidel). Cette « offensive Verano » (d’été), Batista en annonce le lancement le 1 er juin. Dans un livre intitulé
Mémoires
1 , Fidel fait démarrer les choses au 7 avril. Les
barbudos
sont à trente contre un : « 354 rebelles contre 10 000 » gouvernementaux. Ceux-ci sont dirigés par le général Eulogio Cantillo, un officier réputé fair-play chez les castristes. Mais le chef d’état-major général Francisco Tabernilla a aussi investi de responsabilités le général Chaviano, le triste sire de la Moncada !
Le plan des gouvernementaux (autant qu’on puisse le reconstituer en l’absence d’archives officielles, brûlées dans les premiers heures de 1959) était d’encercler les rebelles par les voies d’accès nord-ouest (Manzanillo) et nord-est (Bayamo), puis de resserrer l’étau, avant de prendre à revers le dernier réduit grâce à des corps débarqués aux embouchures des fleuves, au sud. Des B-26 pilonneraient les objectifs suspects. Des hélicoptères sont engagés pour les repérages – heureusement pour les rebelles, très peu.
Face à ce déploiement, Fidel décide de regrouper presque toutes ses forces dans « la forteresse ». Les colonnes 3 d’Almeida et 2 de Cienfuegos sont ainsi rappelées. Seul Raúl demeure loin, dans la Sierra de Cristal : sa mission est de fixer une partie des batistiens en défense de Santiago. Fidel entend résister le plus en avant possible du réduit central, les rebelles ne devant reculer qu’à bon escient, mais sans risquer de trop lourdes pertes.
Trois semaines après le lancement de l’offensive, la plupart des positions rebelles extérieures au « sanctuaire » sont tombées. Les fidélistes ne contrôlent plus qu’une douzaine de kilomètres carrés. De cette position haute, cependant, ils mitraillent les gouvernementaux accrochés aux pentes. Après une dizaine de jours indécis, il devient perceptible que les assaillants s’épuisent, loin de leurs bases, en terrain inconnu. Le 26 juin, les batistiens emportent une ultime position, le village de Las Vegas. À partir du 29, les rebelles desserrent l’étau. Au passage, ils encerclent des unités épuisées et parfois affamées, au cœur de la Sierra. Au nombre des prisonniers figure le très redouté Sánchez Mosquera, blessé lors d’une des dernières batailles.
Tandis que Fidel soutient l’assaut, Raúl est pilonné par l’aviation. Près de succomber, il mène, d’autorité, une opération politiquement folle : le 26 juin, il capture douze ingénieurs américains et canadiens à Moa, à l’extrême est de la côte nord. Ces hommes participaient à la construction d’une usine pour le traitement des minerais de nickel et de cobalt dont la zone est riche. (Démonstration, au passage, que six semaines avant le lancement de la contre-offensive victorieuse des
barbudos
, les Américains se croient en sécurité en Oriente.) Le lendemain, vingt-sept marins des États-Unis qui rentraient en bus à leur base de Guantanamo après… un pique-nique « à Cuba » sont également capturés. Huit autres citoyens nord-américains seront encore enlevés. Et Raúl de prendre contact avec le consulat américain à Santiago. Il lie la libération des otages à l’arrêt de l’assistance militaire américaine à Batista à partir de Guantanamo.
Le 7 juillet seulement, déjà engagé dans sa contre-offensive, Fidel se saisit de l’affaire, qu’il a
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