Fidel Castro une vie
aider l’île pour « faire face au blocus » auquel équivaut la décision américaine sur le quota sucrier : l’Union soviétique achètera les sept cent cinquante mille tonnes que Washington dédaigne. La RDA (Allemagne de l’Est), la Pologne, la Chine se portent aussi clients. En tenant compte du précédent accord (13 février), cela fait un million et demi de tonnes placé – la moitié du contingent que Cuba destine au marché libre. Fin juillet, il ne reste plus une livre de sucre à Cuba ! C’est le triomphe pour Fidel : « Le rôle des États-Unis dans l’histoire de l’Amérique latine est terminé », n’hésite-t-il pas à prophétiser. Un nouveau slogan, utilisé pour la première fois le 1 er mai, devient leitmotiv : «
Cuba sí
, Yankee
no
. »
Tout le printemps 1960, la diplomatie cubaine a poussé le thème du « petit pays épris d’indépendance en proie à l’agression économique américaine ». Franquí, préposé au contact avec les intellectuels étrangers, a « chauffé » à blanc ceux qu’il a su faire venir admirer la « révolution romantique ». À son retour à Paris, Jean-Paul Sartre (qui connaissait déjà Cuba pour y avoir vécu, en 1949, un temps d’idylle contingente avec l’actrice américaine Dolorès Vanetti) donnera à
France-Soir
une série de seize articles louangeurs intitulée « Ouragan sur le sucre », dont il conclut que « Cuba veut être Cuba, et rien d’autre ». Nul ne lui demandera d’où il tire sa connaissance qu’« une exécution, ce n’est pas bien beau à voir »…
Castro cogne dur, cet été 1960. Contre les États-Unis, mais aussi sur le plan intérieur. Le 4 juillet, de jeunes avocats d’extrême gauche, en treillis, se sont emparés des locaux du barreau de La Havane. Prélude à un assaut de plus de portée : celui mené contre l’université. L’affaire est conduite selon la méthode des régimes communistes en Europe de l’Est après la Seconde Guerre mondiale. À la faculté d’ingénierie de La Havane, deux professeurs jugés « réactionnaires » ont été remplacés d’office par les étudiants. Le Conseil d’université refuse d’entériner. Le 12 juillet, la Fédération des étudiants, présidée par Rolando Cubela, numéro 2 du Directoire, réclame la démission de l’organisme. Les professeurs, déclare la Fédération, « ne permettent pas à l’université de se placer à l’avant-garde, comme il sied entout processus révolutionnaire ». Le 15, un nouveau Conseil est élu par une AG d’activistes. La majorité des enseignants refuse ce coup de force. Ils sont démis. Fidel et Raúl débarquent sur « la Colline » pour apporter leur appui au cours nouveau. Le recteur Inclán, un pédiatre, rescapé de l’époque Batista, entérine, pour garder sa place. Quelques mois plus tard, il sera remplacé par Juan Marinelo, président du PSP. Cet ancien ministre de Batista sera ainsi le premier communiste éminent à occuper une fonction de grande importance dans la Révolution. Parmi les enseignants licenciés figure Miró Cardona. L’ex-Premier ministre, qui hésitait à accepter le poste d’ambassadeur à Washington, demande asile à l’ambassade d’Argentine.
Sitôt après la fermeture des deux quotidiens conservateurs à grand tirage, le
Diario
et la
Prensa
, M gr Pérez Serántes, archevêque de Santiago, avait lancé un cri d’alarme : « Le communisme est dans nos murs. » Appréciant mal la situation, l’Église met alors en avant le nouvel auxiliaire de La Havane, M gr Boza Masvidal – par ailleurs recteur de l’université catholique Villanueva. C’est l’antithèse du cardinal Arteaga – compromis avec Batista et désormais au bord du gâtisme. Boza avait abrité dans sa paroisse des groupes de jeunes catholiques opposés au dictateur ; et il a de l’énergie à revendre. « Vous êtes en danger de perdre la liberté contre de simples promesses d’avantages matériels », alerte le prélat dans le bulletin diocésain du 7 juillet 1960. Le dimanche 17, une première manifestation importante a lieu à la cathédrale de La Havane. «
Cuba sí, Russia no
» : ce slogan devient le mot d’ordre des sorties de messe. Fidel dénonce alors « une petite fraction phalangiste du clergé, en accord avec de gros propriétaires et de riches pharisiens » ! Le
Lider
a la partie belle : pour son lien maintenu avec l’Espagne franquiste, pour ses contiguïtés avec « la haute », l’Église cubaine
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