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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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demande de décrire le paradis, je décrirai Cuba ! », s’écrie-t-il. Le
Lider
le pilote dans un tour de l’île passant par l’Oriente, l’île des Pins et les marais de Zapata. Le vieux bolchevique visite des centres de l’Inra ; la réforme agraire retient son attention. Devant des syndicalistes, il tend un chèque de cent mille dollars à Castro : « Pour acheter des avions. » Quelqu’un lui propose d’échanger des tracteurs soviétiques contre du jus d’ananas cubain : « Marché conclu ! »
    Le communiqué final fait l’effet d’une bombe aux États-Unis : Moscou achètera aussitôt sept cent mille tonnes de sucre à Cuba, et un million de tonnes chacune des quatre années suivantes. En apparence, il ne s’agit que d’un accord commercial, comme chaque nation a le droit et le devoir d’en signer pour son meilleur profit. L’achat de sucre porte sur environ 10 %de la récolte 1959-1960. Les États-Unis, eux, prennent chaque année de trois millions à trois millions et demi de tonnes. En fonction du
Sugar Act
liant les deux pays, ils le paient au double du cours du marché – celui même qu’offre l’Union soviétique. Sans, vraisemblablement, que Moscou ait eu un plan prédéterminé, cet accord va faire basculer les choses. Il déconcerte et radicalise les opposants de Castro, qui se recrutent aussi, désormais, parmi ses ex-partisans modérés. On apprend ainsi, le 17 mars, la démission du dernier libéral : López-Fresquet, en charge des Finances depuis la victoire. Plus gravement, plusieurs petits maquis antifidélistes passent à l’action.
    Au début de 1960, les ponts ne sont pas encore rompus, même si les diatribes de Castro à l’occasion des « journées d’octobre » 1959 ont tendu la corde. Pour le nouvel an, on a même vu Fidel (pour la première et dernière fois en frac), à un banquet au Hilton, trinquer à une amélioration des relations avec le Noir américain Joe Louis, ex-champion du monde de boxe, qui a accepté de faire les
public relations
de la nouvelle Cuba.
    Mais un grave événement précipite l’escalade des récriminations, puis des hostilités. Le 4 mars, vers 17 heures, une explosion secoue La Havane. Un cargo français de la Compagnie générale transatlantique,
La Coubre
, vient de sauter dans le port. Six marins et des dockers sont tués. Un incendie se déclenche. Vers 18 heures, alors que les secours s’organisent, une terrible nouvelle explosion secoue
La Coubre
. Il y aura, officiellement, quatre-vingts morts ou disparus. Le capitaine explique avoir chargé à Anvers vingt mille fusils et plusieurs tonnes de balles et grenades antitanks. Le minutage des explosions laisse peu de place au doute : c’est un sabotage, fait pour massacrer. Fidel, lors des obsèques, le lendemain, de vingt-trois victimes, accuse explicitement les États-Unis. Il rappelle, noms propres à l’appui, des démarches effectuées par des diplomates américains auprès des autorités belges pour empêcher des chargements d’armes à destination de l’île.
    Washington, c’est un fait, a fait pression dès les premiers mois de la Révolution pour empêcher des alliés de livrer des armes à Castro. La Grande-Bretagne, la France, l’Italie après quelques livraisons, Israël, la Suisse et la RFA (Allemagne) se sont récusées. Seule, à l’Ouest, la Belgique a maintenu desenvois. Avertissement ? « Nous avons le droit de penser que ceux qui ont tenté d’empêcher l’acquisition de ces armes par des démarches diplomatiques ont pu aussi bien utiliser d’autres procédés », s’écrie Fidel au cimetière Colón. Selon sa méthode dialectique (qui allonge ses discours), il ajoute : « Nous n’affirmons rien, car nous n’avons pas de preuve formelle… Mais je prétends que nous avons le droit de [le] penser… » Le
Lider
ne manque pas, en outre, de faire référence au précédent de l’explosion devant La Havane du croiseur
Maine
en 1898 – événement qui avait justifié l’entrée en guerre des États-Unis contre le colonisateur espagnol et leur mainmise consécutive sur l’île. Le slogan du régime apparaît ce jour : « La patrie ou la mort. Nous vaincrons. » Dans la foule, il y a Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Et aussi Guevara, dont Korda prend ce jour-là le cliché, avec béret étoilé, qui fera le tour du monde.
    Le département d’État élève une « protestation vigoureuse » contre les attaques de Castro. Le titulaire du ministère,

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