Fiora et le Pape
dit ! fit-elle. A présent mangez votre soupe, mon ami.
Vous l’avez méritée et la soupe aux choux froide, cela ne vaut rien. Le lard
fige !
– Si
nous soupions avec lui ? proposa Fiora. Je me sens une petite faim et il
doit avoir tant de choses à nous raconter !
Un
instant plus tard, tous les habitants de la cuisine étaient installés autour de
Florent, mangeant et buvant avec entrain, tandis que le nouveau venu donnait,
entre deux bouchées, des nouvelles de Paris en général et des Nardi en
particulier. Il avait aussi maintes questions à poser, car plus d’une année s’était
écoulée depuis que, renvoyé de Nancy en compagnie de Douglas Mortimer il avait
quitté Fiora et Léonarde gardées en otages par le duc de Bourgogne. Fiora
laissa Léonarde lui répondre, sachant que celle-ci, avec sa prudence et sa
discrétion habituelles, dirait juste ce que leur entourage pouvait entendre et
rien de plus.
– Si
je comprends bien, dit Florent quand elle eut fini, vous avez été en guerre
pendant toute cette année ?
– Eh
oui ! Si l’on m’avait dit jadis, quand je tenais à Florence la maison de
ser Francesco, que j’aurais un jour des souvenirs militaires, j’aurais ri. Et
pourtant, vous voyez, nous en sommes sorties vivantes !
On se
sépara sur cette conclusion optimiste. Florent tombait de sommeil après sa
longue course et gagna avec gratitude la chambrette que Péronnelle lui avait
préparée auprès de son propre logis. La pluie ayant momentanément cessé,
Etienne alla faire une ronde avec ses chiens avant de rejoindre son lit, tandis
que sa femme couvrait de cendre les braises des cheminées qui, ainsi,
reprendraient facilement vie au matin. La maison, comme un poing solide et
amical, se refermait sur ce nouvel hôte à la satisfaction générale.
– J’ai
un peu honte, dit Fiora tandis que Léonarde l’aidait à se déshabiller pour la
nuit, d’accepter que ce petit Florent se voue ainsi à mon service. Il aurait
été plus heureux et plus riche s’il ne m’avait jamais rencontrée.
– Heureux,
derrière un comptoir ? Souvenez-vous, mon agneau, il passait tout son
temps dans le jardin de dame Agnelle. Il ne fait jamais que changer de jardin.
Et je vous avoue que sa présence sous ce toit me paraît tout à fait
réconfortante. Rien ne vaut un dévouement sincère pour vivre en paix.
Ce
soir-là, Fiora s’endormit avec plus de confiance et de joie qu’elle n’en avait
éprouvé depuis longtemps, bercée par le crépitement léger de la pluie que le
vent d’ouest projetait sur les fenêtres de sa chambre. L’arrivée de Florent lui
semblait de bon augure car la simplicité de cœur du jeune homme était de celles
qui font naître autour d’eux, sinon le bonheur, du moins cette sorte de
contentement intime qui y ressemble un peu. Les deux mains de la jeune femme
étaient posées sur son ventre, comme elle avait coutume de le faire pour se
sentir plus proche encore de cette petite vie qui palpitait en elle et pour la
mieux protéger contre ce qui pouvait tenter de 1 atteindre. Tout était bien en
cette nuit de printemps qui venait d’amener un ami...
Dès le
lendemain, Florent, tôt levé, prit sa place parmi les us et coutumes du manoir
comme s’il y avait vu le jour. En attendant qu’Etienne l’emmène faire le tour
du propriétaire, il alla chercher de l’eau pour Péronnelle et renouvela, pour
toute la maison, la provision de bois à brûler. Une entente s’était aussitôt
établie entre lui et la brave femme qui, au fil des jours, se plut à imaginer
qu’un fils, un peu grand peut-être, lui avait été envoyé comme un cadeau du
ciel. Quant à Etienne le silencieux, l’ardeur au travail du jeune Parisien, son
amour pour la terre, ses plantes et ses animaux eurent tôt fait de conquérir
son estime. Il eut plaisir à en faire son compagnon de tous les instants.
Fiora
ne le voyait pas beaucoup. Dès le premier jour, Florent mit beaucoup de
discrétion dans ses rapports avec la jeune châtelaine, se contentant de l’apercevoir
allant et venant dans la propriété et d’échanger quelques mots avec elle lorsqu’elle
descendait au jardin. Et Léonarde, qui avait craint un instant de rencontrer
sans cesse et à tous les coins de la maison son visage extasié d’amour, lui sut
gré d’une conduite aussi sage. Puis il fallut bien admettre que l’ancien
apprenti banquier était, en matière de jardinage, une sorte de petit génie :
à mesure qu’il
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