Fiora et le Pape
centre.
– Mais,
reprit la jeune femme avec audace, Votre Sainteté n’est pas certaine encore que
son marché soit si mauvais ?
– En
effet. Suivant la réponse que Mgr d’Estouteville recevra de France, nous
déciderons de son sort. En attendant, elle va être conduite au château
Saint-Ange et tenue en étroite prison tant qu’il plaira à notre sainte volonté.
– Si
vous la traitez en otage, ne l’envoyez pas pourrir sur la paille de votre
prison ! Confiez-la-moi. Je saurai la garder d’aussi près qu’il le faudra,
mais du moins sera-t-elle bien traitée, ce dont le roi de France vous saura gré
s’il en vient à composer avec vous.
C’était
plus que Sa Sainteté n’en pouvait supporter, même de la part d’une jeune femme
pour laquelle, de toute évidence, elle nourrissait une particulière tendresse.
Se dressant à nouveau de toute sa taille, le pape ordonna :
– Encore
une fois, ma nièce, cessez de vous mêler de cette affaire ! Il en sera
comme je l’ai dit : elle ira en prison... et vous, vous viendrez souper avec
nous.
Les
gardes s’approchaient. Alors, à la grande surprise de Fiora, Mgr d’Estouteville
s’interposa :
– Un
moment encore, Saint-Père, s’il vous plaît ! L’auriez-vous enfermée au
château Saint-Ange si elle avait représenté la monnaie d’échange escomptée ?
– Non.
J’avais décidé de l’envoyer au couvent San Sisto.
– Alors,
pourquoi changer vos plans ? Je connais bien le roi Louis et sa grande
intelligence. Il n’est pas de ceux qui donnent leur amitié au hasard. Surtout
quand cette amitié va jusqu’à offrir château et terres dans son voisinage
immédiat. Et, à moins que Votre Sainteté ne songe à faire la guerre à mon pays,
ce qui déchirerait mon cœur...
– La
guerre à la France ? Vous êtes fou, mon frère ! L’Universelle Aragne
possède la meilleure armée du monde. Les armes de l’Église me suffiront.
– Alors,
ne changez rien à votre premier projet. Faites conduire donna... Fiora ? C’est
bien cela ?
– Quel
joli nom ! s’écria Catarina qui, décidément n’aimait pas se taire
longtemps. Qu’est-ce qu’il y a après ?
– Beltrami,
Madonna, répondit Fiora en offrant à la jeune femme une révérence et l’ébauche
d’un sourire. Vous pouvez ajouter comtesse de Selongey.
– Trêve
de mondanités ! s’écria Sixte dont le teint brun virait à nouveau au
pourpre foncé. Vous avez peut-être raison, Estouteville. Envoyons-la à San
Sisto ! Elle y sera bien gardée et il sera toujours temps de lui trancher
la tête ou de la faire pendre si son maître ne répond pas convenablement à
notre attente. Qu’on l’emmène et qu’on dise au capitaine des gardes de la
conduire sur l’heure. La supérieure attend.
Il
fallut à Fiora beaucoup d’empire sur elle-même pour saluer ce pape qui ne
ressemblait que de très loin à l’idée qu’elle s’était faite d’un vicaire du
Christ, mais elle s’agenouilla presque aux pieds du cardinal d’Estouteville.
– Soyez
remercié de votre charité, Monseigneur, et daignez prier pour moi et pour l’enfant
auquel on m’a arrachée. Je jure que je suis digne de votre protection !
La
main si blanche où brillait un lourd saphir traça sur sa tête inclinée le signe
de la bénédiction, puis le regard bleu la suivit tandis qu’elle se tournait
vers donna Catarina :
– Merci
à vous, Madonna ! Je n’oublierai pas. Enfin, elle se plaça d’elle-même
entre les soldats et retraversa la salle sous leur escorte. Elle atteignait le
seuil quand elle s’aperçut qu’une troupe d’hommes, jeunes pour la plupart et
richement vêtus, encombraient l’antichambre. Un personnage d’une trentaine d’années,
mais déjà gras, pérorait au milieu d’eux, s’en prenant aux gardes qui lui
refusaient l’entrée et au cérémoniaire.
– Vous
avez laissé passer ma femme ! Je veux la rejoindre. D’ailleurs, le
Saint-Père m’attend !
– Un
instant, messer Girolamo, un tout petit instant ! plaidait Patrizi. Le
Saint-Père a formellement indiqué qu’il ne voulait être dérangé par quiconque.
– Et
la comtesse Riario n’est pas quiconque, on dirait ?
– Rien
ne saurait l’arrêter, Monseigneur. Son charme lui donne droit à toutes les
indulgences.
Fiora
se désintéressa du débat et passa son chemin. Elle avait entrevu Riario, sa
tête vulgaire aux traits lourds, aux cheveux raides, l’insoutenable
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