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Fiora et le Pape

Fiora et le Pape

Titel: Fiora et le Pape Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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venait à
se demander si cet homme au regard caressant était réellement un prince de l’Église.
Fût-il venu seul et non escorté par mère Girolama qu’elle en aurait douté
fortement.
    – Réfléchissez !
murmura-t-il encore sans bouger les lèvres, mais réfléchissez vite ! Il se
pourrait que le temps presse.
    La
simarre pourpre glissa le long des dalles blanches dans un doux bruit de soie
froissée. Fiora regarda s’éloigner l’imposante silhouette du prélat entre les
massifs de feuillage. Que cet inconnu dégageât un charme était indéniable, mais
au fil des tribulations subies durant les deux années écoulées, la méfiance lui
était devenue naturelle. Que le beau cardinal souhaitât se ménager le roi de
France n’avait, à tout prendre, rien d’extraordinaire. Bien plus jeune que le
pape, il pouvait convoiter le trirègne [xiii] et l’amitié de la France serait alors d’importance, mais cet avantage éventuel
valait-il le risque certain qu’il courrait en donnant asile à une fugitive ?
    Le
temps était passé plus vite que Fiora ne le pensait et, à présent, le soleil se
couchait dans un feu d’artifice et de longues traînées rouges annonçant du vent
pour le lendemain. Sur ce fond sanglant, les arbres du jardin noircissaient et
la jeune femme eut froid. Elle rejoignit le banc où elle avait laissé sa
broderie, l’enferma dans un sac de toile et revint vers le cloître dont les
fresques se décoloraient dans la lumière pourpre. Elle allait à pas lents,
écrasée soudain par le sentiment de sa solitude, gagnée par la désespérante
idée qu’elle était à jamais perdue au cœur d’un monde inconnu et hostile,
truffé de pièges d’autant plus perfides qu’ils se cachaient sous des apparences
séduisantes.
    Le
besoin de retrouver son bébé, la chère Léonarde et Péronnelle, et son Etienne
tout bourru, et Florent qui l’aimait tant, et sa maison aux pervenches fut si
violent tout à coup qu’elle passa un bras autour d’une colonnette encore tiède
de soleil en s’y appuyant, tant elle avait besoin de s’accrocher à quelque
chose de solide. Elle ferma les yeux, laissant les larmes couler librement.
    – Ne
pleurez pas ! chuchota une voix douce tandis qu’une petite main chaude se
posait sur la sienne. Je suis venue vous chercher pour vous conduire à la
chapelle car c’est l’heure de complies. Je chanterai pour le Seigneur, mais
aussi pour vous !
    A
travers le brouillard des larmes, Fiora crut revoir Battista et l’entendre lui
dire : « Demain c’est Noël et nous sommes tous deux des exilés. Si
vous voulez je passerai la journée auprès de vous et je vous chanterai des
chansons de chez nous. » Le temps avait passé mais ils étaient toujours
des exilés : lui dans ces neiges de Lorraine où il avait choisi de s’ensevelir,
elle sous ce soleil romain qui ne ressemblait à aucun autre.
    Un
élan la jeta au cou de la petite sœur Serafina, qu’elle embrassa :
    – Pardonnez-moi
ce moment de faiblesse que je n’ai pas su retenir, murmura-t-elle. Je pensais
aux miens, à mon petit garçon...
    – Le
cardinal Borgia ne vous a pas apporté de mauvaises nouvelles, au moins ?
    – Non.
Pas vraiment mais, je vous l’avoue, je ne sais que penser. Si vous voulez, je
vous en parlerai. Pour ce soir, merci, merci de votre amitié...
    Elles
se sourirent puis, se tenant par la main comme deux fillettes, rejoignirent la
double file blanc et noir des dominicaines qui se rendaient à la chapelle.
    En
tant que sœur Serafina, la cousine de Battista pensait le plus grand bien du
cardinal vice-chancelier que l’on disait fort aumônier, généreux et plein de
mansuétude pour les péchés d’autrui, mais en tant qu’Antonia Colonna son
jugement se nuançait curieusement. Elle était assez sage pour faire la part des
choses, car la noblesse romaine n’avait aucune sympathie pour cette bande d’Espagnols
venus de leur province de Valencia dans les bagages de l’oncle Calixte III.
Tout les avait alors opposés aux Romains : différences de caractère, de mœurs
et même de civilisation, les Espagnols venant d’une nation encore très féodale.
Tout cela concourait à la mésentente, sans compter la solide xénophobie des
Italiens qui, individualistes à l’extrême, commençaient à ressentir l’attrait
des anciennes civilisations et à s’en imprégner. Ils jugèrent d’abord grossiers
et peu fréquentables ces hommes encore marqués par les fureurs

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