Fiora et le roi de France
m’a été donnée...
– ...
en remerciement de tes bons et loyaux services dans le lit de Campobasso !
– Mon
Dieu ! Oublieras-tu jamais cette affreuse histoire ?
Avançant
d’un pas vers le tombeau, Fiora se laissa tomber à genoux près de la lampe de
bronze :
– Le
roi a reporté sur moi l’estime qu’il avait pour mon père. Il m’a donné ce
manoir parce qu’il savait que je n’avais plus rien.
– Tu
avais Selongey. C’est là que tu aurais dû faire naître mon fils. Mais tu
craignais trop de vivre loin de l’agitation et de la vie brillante que tu as
toujours connue...
– Si
j’avais accepté de t’y suivre, je serais peut-être à cette heure misérable et
errante. Tu oublies que tu as été condamné à mort parce que tu ne rêvais que
reprendre la guerre, que te dévouer au service de ta bien-aimée duchesse Marie.
Moi, je ne comptais pas, et tu pouvais me ranger à Selongey comme un bagage
encombrant... Ceci dit, j’ai profondément regretté d’avoir causé entre nous
cette rupture. Parce que... Dieu m’en est témoin et vous aussi, Monseigneur qui
dormez sous cette grande dalle... parce que je t’aime et n’ai jamais aimé que
toi, Philippe. Voilà des mois que je te cherche !
– Des
mois ? Et pourquoi pas des années ? Je crois qu’en bonne Florentine,
tu exagères un peu. Tu ne me cherchais pas en septembre dernier quand tu étais
à Florence, auprès du Médicis, ton amant, où tu avais emmené mon enfant et
toute ta maisonnée.
L’indignation
et la stupeur relevèrent Fiora.
– Moi,
j’étais à Florence en septembre dernier ? Mais qui a bien pu te dire une
chose pareille ?
– Un
homme que j’ai rencontré à deux pas de ta maison... celle qu’on appelle la
maison aux pervenches. C’est bien cela ?
– Tu
es venu... chez moi en septembre ? C’est impossible.
– Vraiment ?
Alors écoute. Quand je me suis enfui du château de Pierre-Scize où ton roi m’avait
enfermé...
– Grâce
à la complicité de la fille du geôlier, je sais.
– On
dirait que tu sais beaucoup de choses ?
– Plus
que tu ne crois. Ce que je veux savoir, c’est ce que tu as fait quand tu as
quitté la chartreuse du Val-de-Bénédiction où tu as été soigné et où l’on m’a
dit que tu avais perdu la mémoire.
– Tu
as vraiment été là-bas ?
– Escortée
par Douglas Mortimer. Tu dois te souvenir de lui. Le dom prieur nous a dit le
peu qu’il savait de toi... sauf que tu leur as menti. Tu n’as jamais perdu la
mémoire, n’est-ce pas ?
– Non,
mais tous les moines ne sont pas dignes de confiance et c’était la seule
conduite à tenir pour un prisonnier évadé d’une prison royale. Que sais-tu
encore ?
– Qu’à
la fête des Rogations, tu as profité du passage de nombreux pèlerins en route
vers Compostelle pour quitter la chartreuse.
Elle
se tut. Le regard de Philippe, passant au-dessus d’elle, se fixait sur quelque
chose qu’elle ne voyait pas. Elle en suivit la direction et aperçut un groupe d’hommes,
le bonnet à la main, qui venaient vers le tombeau.
– Viens !
murmura Philippe. Eloignons-nous ! Le reste de l’église est vide à cette
heure...
Répondant
d’un signe de tête au salut respectueux des fidèles, il précéda la jeune femme
dans le déambulatoire, puis attendit qu’elle l’eût rejoint. Alors, ils se
mirent à marcher très lentement côte à côte et Philippe raconta comment il s’était
joint aux errants de Dieu qui s’en allaient vers la lointaine Galice.
– J’ai
marché avec eux jusqu’à Toulouse. C’était ma seule chance de survivre car je n’avais
pas un liard et j’ai vécu de charité grâce à eux. Un moment, j’ai pensé les
accompagner jusqu’au bout, mais quelque chose de plus fort que moi me retenait
sur cette terre où je croyais que tu vivais. J’avais tant souffert que j’en
oubliais ma haine pour Louis XI. Ce que je voulais, c’était te retrouver...
– Philippe !
– Tais-toi !
Laisse-moi achever ! A Toulouse, j’ai feint de souffrir d’une jambe et j’ai
laissé partir mes compagnons. Je suis resté à l’hôpital Saint-Jacques, gagnant
ma nourriture en rendant de menus services. J’attendais le passage d’autres
pèlerins remontant vers le nord, de préférence vers Tours. Quand ils sont
venus, j’ai repris la route avec eux et c’est ainsi que je suis enfin arrivé
devant ... le repaire de l’Universelle Aragne ! gronda-t-il d’un
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