Fiora et le roi de France
pense
qu’elle préférerait mille fois fredonner des romances pour endormir... vos
enfants !
Cette
fois, le novice devint ponceau et détourna les yeux.
– Je
vous remercie de ce que vous avez pris la peine de venir me dire, donna Fiora.
A présent, voulez-vous me laisser ? Je voudrais... prier, réfléchir un
peu.
– C’est
trop naturel, et je vais de mon côté prier Dieu qu’il vous éclaire et vous
guide dans la meilleure voie. Peut-être ne nous reverrons-nous plus, mais... je
vous aime bien Battista Colonna !
– Je
commence à le croire. Ah, j’allais oublier ! Où habitez-vous dans cette
ville ?
– Toujours
au même endroit. Dans la maison de Georges Marqueiz. Je pense y rester encore
deux ou trois jours.
– C’est
bien...
Sans
rien ajouter, il alla s’agenouiller au pied du grand crucifix et, cachant sa
figure dans ses mains, s’y abîma dans une profonde prière. Fiora le contempla
un instant avant de quitter la salle basse sur la pointe des pieds.
Le
soir venu, comme les habitants de la maison Marqueiz allaient passer à table,
un serviteur apporta un billet pour Fiora :
« Vous
étiez ce matin à la messe de l’aube à la collégiale, écrivait Battista.
Voulez-vous faire demain le même effort et me rejoindre au même endroit ? Je
vous en saurai un gré infini... »
Rien
de plus mais, cette nuit-là, Fiora eut toutes les peines du monde à trouver le
repos tant elle craignait de manquer le rendez-vous donné par son jeune ami.
Aussi la nuit commençait-elle juste à s’éclairer du côté du levant quand,
escortée de Florent qui refusait de la laisser courir les rues seule dans l’obscurité,
elle monta les marches de l’église Saint-Georges. L’air était plus que frais,
une pluie fine et persistante dégouttait des toits et faisait briller
fugitivement les pavés sous la lumière jaune d’une lanterne sourde. Elle dut
même attendre un moment qu’un sacristain mal réveillé vînt ouvrir le vieux vantail
cependant que se répondaient, à travers la campagne environnante, les appels
enroués de la nouvelle génération de coqs, tous leurs prédécesseurs ayant connu
une fin tragique dans une marmite bourguignonne.
En
entrant dans l’église, Fiora chercha des yeux le tombeau. Entre ses cierges
éteints, il semblait sommeiller dans une solitude hautaine sur laquelle
veillait la lampe qui ne s’éteignait jamais.
– Que
faisons-nous à présent ? chuchota Florent impressionné malgré lui par la
majesté du lieu.
– Nous
allons assister à la messe, fit Fiora, même jeu, et vous, vous ne bougerez de
votre place que lorsque je vous appellerai. C’est bien compris ?
– C’est
assez clair, soupira-t-il résigné. Je ne bouge que si vous m’appelez...
Le son
grêle d’une clochette d’argent annonça le prêtre qui marcha vers l’autel mal
éclairé, abritant le Saint-Sacrement sous son étole verte ornée d’un galon
doré. D’un même mouvement, Fiora et Florent s’agenouillèrent à même les dalles,
et l’office commença.
Après
l’Élévation, la jeune femme prit conscience d’une présence derrière elle. Se
tournant légèrement, elle aperçut Battista, qu’elle faillit ne pas reconnaître
car la robe blanche avait disparu, et avec elle la silhouette du novice. Le
jeune homme qui se tenait là, modestement vêtu d’une tunique de drap gris
usagée qu’une ceinture de cuir serrait à la taille, lui parut, sous cette
pauvre vêture, plus superbe qu’un prince de roman – car prince il l’était de
naissance. Elle dut faire appel à tout son empire sur elle-même pour ne pas lui
sauter au cou. Elle avait réussi ! Battista quittait le couvent et
peut-être que, dans quelques semaines, les portes de San Sisto s’ouvriraient
devant une petite Antonia rose de joie. Ce bonheur serait son œuvre à elle,
Fiora, qui n’avait jamais été capable de construire le sien, et ce fut d’un
cœur plein de joie et de reconnaissance qu’elle reçut le corps du Christ.
La
messe achevée, elle vint d’un geste tout naturel passer son bras sous celui du
jeune homme pour marcher avec lui vers la sortie.
– Vous
me donnez une grande joie, Battista... mais je vous vois mal équipé pour une
longue route. J’espère que vous permettrez à votre sœur aînée de s’en occuper ?
Ensuite, nous ferons un bout de chemin ensemble... au moins jusqu’en Bourgogne ?
– J’accepte
volontiers car vous me voyez bien démuni, mais je ne
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