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Fiora et le roi de France

Fiora et le roi de France

Titel: Fiora et le roi de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Cette
grande pièce faisait partie des appartements royaux du premier étage, ouverts
seulement pour la venue d’étrangers de marque et en certaines circonstances.
Elle donnait sur la terrasse soutenue par la galerie couverte du
rez-de-chaussée ; son faste, vraiment royal, différait de l’éclatante
somptuosité qui entourait les ducs de Bourgogne. L’ameublement tendu de velours
et les grandes tapisseries de haute lice donnaient à l’ensemble une note sévère
accentuée par les vitraux de couleurs des hautes fenêtres qui entretenaient une
sorte de pénombre. L’or des plafonds à caissons et des boiseries s’en trouvait
assourdi, sauf quand les grands chandeliers, chargés de cierges, les
illuminaient comme ce soir.
    Trois
tables étaient disposées : celle du roi, occupant la salle à manger
proprement dite, ou tinel ; celle des chevaliers et des grands offices de
la maison royale à laquelle s’asseyaient les invités d’importance, celle enfin
des aumôniers et écuyers. Une quatrième accueillait, hors des appartements, les
bas officiers et les pèlerins ou voyageurs perdus qui, d’aventure, demandaient
l’hospitalité. A la table du roi, la plus brillante et la mieux servie, les
femmes étaient rares, sauf lorsque la reine, Charlotte de Savoie, rendait
visite à son époux.
    Ce
soir-là, elles étaient deux et ce fut avec un brin d’orgueil que Fiora prit
place à la gauche du souverain. La princesse Jeanne, charmante en dépit d’un
physique disgracié sous une haute coiffure d’un bleu doux piqueté d’or assortie
à sa robe de cendal, était assise auprès de l’invité d’honneur lui-même
installé à la droite du roi.
    A
trente-sept ans, Giuliano della Rovere [viii] était sans doute le plus réussi des neveux de Sixte IV. Grand et bien bâti, il
ressemblait davantage à un condottiere qu’à un homme d’Église avec sa mâchoire
carnassière, ses yeux de chasseur aux orbites enfoncées qu’il plissait souvent
pour aiguiser sa vision. La pourpre seyait à son teint brun, à ses cheveux
noirs coupés court selon le dessin de la calotte écarlate qui les coiffait.
Strictement rasé, le visage osseux était dur, mais savait sourire avec une
nuance d’ironie qui n’était pas sans charme, et le profil impérieux semblait
fait pour la frappe des médailles.
    Légat
du pape à Avignon, il était titulaire d’un grand nombre d’évêchés – dont ceux
de Lausanne, de Messine et de Carpentras – et, le 3 juillet de cette année
1478, il avait reçu de surcroît celui de Mende, pour lequel il était venu
chercher l’approbation de Louis XI. Approbation gracieusement accordée : ce
n’était pas la première fois qu’ils se rencontraient et le roi avait un faible
pour cet homme élégant, aux façons rudes et que l’on disait violent, mais qui
possédait une intelligence aiguë et savait manier l’astuce presque aussi bien
que lui-même. Là s’arrêtait la ressemblance car, ami des lettres et des arts,
le cardinal delia Rovere menait une existence fastueuse grâce à la fortune
considérable que lui avait constituée son oncle. Une existence fort éloignée du
train de gentilhomme campagnard qui était le plus habituel au roi de France.
    Lorsque,
présentée par celui-ci, Fiora plia le genou pour baiser son anneau pastoral – en
l’occurrence un fabuleux saphir étoilé -, le légat laissa tomber sur elle un
regard intéressé :
    – Vous
avez séjourné récemment à Rome, je crois, Madame ?
    – En
effet, Monseigneur.
    – Il
est regrettable que vous n’ayez pu en apprécier les beautés...
    – Le
loisir ne m’en a pas été offert, je n’ai fait qu’aller d’une prison à l’autre.
    – Il
y a prison et prison. Au surplus, lorsque vous avez choisi Florence, le
Saint-Père l’a vivement regretté, car il était... il est toujours plein de
bienveillance envers vous. Son amitié vous eût assuré des jours agréables.
    – Veuillez
le remercier de ces bons sentiments, mais il est d’un esprit trop brillant pour
ne pas comprendre les miens. Ce sont ceux d’une Florentine, Monseigneur, et je
ne peux que déplorer les drames dont ma patrie vient d’être le théâtre.
    – Drames
qui, malheureusement, s’aggravent. Pourquoi n’en parlerions-nous pas ensemble,
un jour prochain ?
    – Parler
politique avec moi ? Mais, Monseigneur, je n’y entends rien.
    – Ne
vous mésestimez pas, Madame. Le Saint-Père fait grand cas de votre intelligence
et votre

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