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Fiora et le roi de France

Fiora et le roi de France

Titel: Fiora et le roi de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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s’arrêtait
volontiers auprès de ces hommes choisis par ses soins et qu’il aimait bien pour
leur dire quelques mots ou faire une remarque, toujours aimable et toujours
pertinente. Au point que Fiora en vint à se demander ce qu’elle faisait là :
son compagnon semblait l’avoir complètement oubliée. D’un jardinier à l’autre,
il parlait surtout à son chien...
    Enfin,
on franchit la barrière d’un grand verger dont les pruniers croulaient
littéralement sous leurs fruits de couleurs diverses. Louis XI en cueillit
quelques-uns, partagea avec Fiora, puis, tout en crachant les noyaux, désigna
un banc de pierre placé sous un cerisier. La récolte était faite depuis
longtemps mais, bien feuillu, l’arbre donnait une ombre fraîche. Louis s’installa
sur le banc, fit signe à sa visiteuse de prendre place à son côté, ôta son grand
chapeau qu’il laissa tomber dans l’herbe, puis soupira :
    – Or,
ça, Madame de Selongey, dites-moi un peu ce qui se passe à Rome et ce que vous
y avez fait ?
    – Pas
grand-chose, je le crains, Sire. J’étais surtout occupée à préserver ma vie.
    – Sans
doute, sans doute ! Mais c’est du pape dont j’aimerais que vous me
parliez. Vous l’avez vu de près, vous, ce qui n’est pas mon cas. Dressez-m’en
le meilleur portrait que vous pourrez !
    Fiora
fit de son mieux, surtout pour rester objective, ce qui n’était pas facile car,
connaissant les vifs sentiments chrétiens de son compagnon, elle ne voulait pas
l’indisposer en lui montrant à quel point elle détestait le pontife. Il était
impossible de passer sous silence les exactions, la brutalité et l’insatiable
avidité de Sixte IV, mais lorsqu’elle sentit qu’elle allait se laisser emporter
par le ressentiment, elle s’arrêta, détournant même les yeux pour éviter le
regard aigu qui les cherchait.
    – Je
ne vois pas ce que je pourrais dire de plus à Votre Majesté, conclut-elle en se
penchant pour cueillir un brin de menthe qu’elle se mit à mâchonner.
    Louis
XI laissa le silence tomber un moment entre eux. On n’entendait plus que les
oiseaux...
    – Mortimer
a été plus bavard que vous, ma chère, fit le roi avec un soupir. Pourquoi ne me
parlez-vous pas de ce mariage invraisemblable où l’on vous a contrainte ?
    – Messire
de Commynes m’a appris qu’il est nul, mais il l’a toujours été, Sire.
    – Comment
cela ?
    – Vous
venez de le dire : j’ai été contrainte sous la menace. En outre, il n’a
jamais été consommé.
    – Ne
croyez pas cela ! Bien des mariages ont survécu dans les mêmes conditions.
Ce qui l’annule... et Commynes a été chargé par moi d’en informer le pape, c’est
que vous n’êtes pas veuve. Du moins comme vous le croyiez.
    Fiora
se sentit pâlir, cependant que ses mains devenaient froides. Elle regarda son
voisin avec épouvante, mais il ne lui offrait qu’un profil hermétique :
    – S’il
me permet de l’interroger... que veut dire le Roi ?
    – Qu’à
défaut de votre époux, mes ordres ont été exécutés. Le sire de Craon ne se
serait d’ailleurs pas permis de les transgresser. Ils étaient de laisser
apprécier à ce Bourguignon entêté les affres de la mort, mais de l’épargner à l’instant
où sa tête reposerait sur le billot.
    – Oh,
Sire ! Quelle cruauté !
    – Ah,
vous trouvez ? Pâques-Dieu, ma chère, vous oubliez qu’à votre demande, je
l’ai déjà gracié une fois ? Cet homme semble incapable de se tenir
tranquille.
    – Peut-on
lui reprocher de vouloir demeurer fidèle à ses serments de chevalier ?
    – La
mort du Téméraire les a rendus caducs et j’espérais qu’il en viendrait à
considérer plus attentivement la foi de mariage qu’il vous avait jurée.
    – Il
n’est pas seul fautif, Sire. Peut-être, si j’avais été plus patiente... moins
emportée...
    Ainsi
lancée, il fallut bien que Fiora apprît à son compagnon ce qui s’était passé à
Nancy. Elle s’attendait à une sévère mercuriale, mais Louis se contenta d’éclater
de rire et elle se sentit vexée :
    – Oh,
Sire ! Est-ce si drôle ?
    – Ma
foi, oui. Votre conception du mariage pourrait désarmer une douairière tant
elle est originale. Il vous faut tout de même apprendre qu’un homme digne de ce
nom ne se mène pas ainsi en laisse. Ceci dit, n’ayez pas de regrets ! Même
si vous vous étiez pliée à la sainte obéissance de l’épouse, vous n’auriez rien
changé. Messire

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