Fiora et le roi de France
qu’elle déboucha pour en humer le contenu avant de le
retourner avec un cri d’horreur : il était vide...
Soudain
privée de ses forces, elle tomba assise sur ses talons, considérant avec
désespoir le mince objet qu’elle laissa rouler sur le dallage :
– Que
s’est-il passé ? balbutia-t-elle. Pourquoi n’y a-t-il plus rien dans cette
fiole ?
– Mais
enfin, qu’y avait-il dedans ? demanda Léonarde épouvantée par la pâleur de
la jeune femme et ses yeux pleins de larmes.
– Un...
remède que Démétrios m’a remis avant mon départ au cas où...
– Un
remède ? C’était un remède ? fit la voix tremblante de Khatoun. Oh,
mon Dieu ! Et moi qui ai cru que c’était du poison !
Éclatant
en sanglots, la jeune Tartare raconta qu’en rangeant les vêtements de sa
maîtresse, elle avait trouvé le flacon dont elle pensait que Fiora l’avait
peut-être oublié. L’odeur lui ayant paru suspecte, elle en avait fait avaler
quelques gouttes à un chat errant qu’elle avait recueilli. L’animal était mort
peu après et, pensant que Fiora avait acquis ce liquide dans un jour sombre
avec l’idée de garder auprès d’elle un moyen rapide de se donner la mort, elle
avait répandu le contenu du flacon dans les latrines du manoir...
– Je
ne pouvais pas supporter l’idée que tu puisses vouloir mourir, hoqueta-t-elle
en serrant convulsivement contre elle l’enfant qui commença à hurler. Le chat
est mort... tu comprends ?
N’ayant
même plus la force de se mettre en colère, Fiora, prostrée, la regarda sans
rien dire. D’ailleurs, à quoi bon se fâcher ? La pauvre Khatoun, si
dévouée, n’avait agi que par affection... Mais Léonarde, elle, réagit. Enlevant
le petit garçon des bras de Khatoun, elle le jeta presque dans ceux de
Péronnelle qui accourait au bruit puis, refermant la porte, vint prendre Fiora
sous les bras pour l’aider à se relever et à s’asseoir sur son lit :
– Je
voudrais bien comprendre ! fit-elle sèchement. Qu’y avait-il donc dans ce
maudit flacon pour que vous vous soyez jetée dessus sans même ôter vos bottes ?
Fiora
leva sur elle un regard atone :
– Quelque
chose que je devais prendre sans tarder au cas où je sentirais certains
symptômes. Démétrios avait bien insisté sur le fait qu’il ne fallait surtout
pas attendre...
– Mais
des symptômes de quoi ?
– De
grossesse. Je suis enceinte, Léonarde. Enceinte de Lorenzo ! Et Philippe
peut arriver ici un jour ou l’autre !
– Vous
êtes sûre ? souffla Léonarde épouvantée tandis que redoublaient les
sanglots de Khatoun, à présent couchée de tout son long sur le tapis.
– Il
n’y a malheureusement aucun doute. Cela doit dater de notre dernière... rencontre,
en juillet. Il y a un peu plus de deux mois.
Elle
raconta que, durant la nuit passée au Grand Prieur, elle s’était levée
pour boire un peu d’eau. Une soudaine nausée l’avait rejetée sur son lit, le
cœur chaviré avec au front une sueur glacée. Pensant qu’elle avait peut-être
fait un peu trop honneur à la cuisine de maître Jacques, elle ne s’en était
guère inquiétée et même, le malaise passé, s’était rendormie. Hélas, au petit
jour la trop claire indisposition était revenue, l’obligeant à se remémorer les
dates de son cycle dont, à vrai dire, elle s’était fort peu souciée ces
derniers temps. La vérité lui était alors apparue avec une aveuglante clarté. D’où
la hâte qui, à la grande surprise de Douglas Mortimer, l’avait jetée sur les
chemins, en dépit de nausées matinales incessantes tout au long de la route.
Son seul espoir résidait dans le flacon offert par Démétrios :
– Je
ne sais pas s’il faut regretter tellement que Khatoun en ait jeté le contenu,
bougonna Léonarde. Après tout, le chat est mort !
– Vous
n’imaginez tout de même pas que Démétrios souhaitait m’empoisonner ? protesta
Fiora. Il m’avait prévenue : je serais affreusement malade pendant deux
jours, mais ensuite tout rentrerait dans l’ordre...
– C’est
lui qui le dit ! Ce vieux sorcier a pu se tromper et je crois qu’il vaut
mieux remercier Dieu. D’ailleurs, rien ne dit que les choses en question ne
rentreront pas dans l’ordre d’elles-mêmes.
– Je
ne vois pas comment ?
– Si
j’en crois le peu de temps qu’a duré votre absence, vous venez de faire quatre
cents lieues à cheval, et à vive allure. Si vous êtes encore enceinte,
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