Fiora et le roi de France
endormi dans une euphorie totale. Il était heureux d’avoir
pu revenir ici et, s’il était décidé à poursuivre quelques recherches, il n’anticipait
pas moins joyeusement les heures qui allaient venir. Ces quelques jours au Grand
Prieur auprès de donna Fiora seraient le plus joli cadeau que pouvait lui
faire le Ciel...
Aussi
fut-il douloureusement surpris quand, au matin, ladite Fiora, blanche jusqu’aux
lèvres, vint le secouer pour lui dire de se préparer à partir. Elle devait
rentrer à la Rabaudière sans perdre une minute et refusa de s’expliquer
davantage. Que s’était-il passé ? Il lui fut impossible de le savoir et il
n’osa même pas poser une autre question lorsqu’un moment plus tard, il aida la
jeune femme à se mettre en selle. Son visage fermé, ses yeux durs et le pli
résolu de sa bouche décourageaient même la simple conversation. Et le
malheureux en vint à se demander si ce n’était pas son geste de la veille,
peut-être un tout petit peu trop affectueux, qui avait déchaîné cette humeur
noire.
Incapable
de supporter une idée qui lui ôtait toute présence d’esprit, il profita de la
halte du soir pour se jeter à l’eau :
– Pour
l’amour du Ciel, donna Fiora, dites-moi si je suis coupable de quoi que ce soit
envers vous ! Je ne voudrais pas que vous jugiez mal mon ... attitude d’hier...
En
dépit de l’angoisse évidente qui la tenaillait, Fiora réussit à sourire :
– Ne
vous tourmentez surtout pas, ami Mortimer ! Vous n’êtes absolument pour
rien dans ma décision de rentrer au plus vite, et je vous demande pardon si j’ai
pu vous faire croire un moment que vous m’aviez offensée. J’ai trop d’amitié
envers vous pour laisser subsister entre nous le plus petit doute et c’est au
nom de cette amitié que je vous demande de me ramener chez moi aussi vite que
vous le pourrez.
– Nous
avons mené grand train, en venant. Je crois difficile de faire plus à moins de
tuer nos chevaux, ce à quoi je me refuse. D’ailleurs, nous ne serions pas plus
avancés, car ceux que nous pourrions trouver ne les vaudraient pas.
Il n’ajouta
pas que le roi ne lui pardonnerait pas de sacrifier deux membres éminents de sa
précieuse écurie, mais Fiora savait à quoi s’en tenir. Ils durent cependant
renoncer à l’étape prévue initialement à Valence car, en pénétrant dans la
ville, ils la trouvèrent pavoisée et son clergé en liesse : le cardinal
della Rovere faisait son entrée par le nord avec tout son monde et s’apprêtait
à envahir l’endroit. Aussi, en dépit d’une fatigue certaine, les deux cavaliers
choisirent-ils d’allonger d’une lieue leur chemin afin d’être certains d’éviter
les mauvaises rencontres : en dépit de ses protestations d’innocence,
Fiora ne parvenait pas à accorder une créance totale au neveu de Sixte IV. Elle
préférait ne pas le rencontrer.
Heureusement
pour les voyageurs, le temps demeura serein et ne leur opposa aucun obstacle.
Aussi fut-ce dix jours après avoir quitté Villeneuve-Saint-André que Fiora
aperçut les tours du Plessis et les ardoises bleues de sa maison par-dessus les
frondaisons jaunies des arbres.
– Vous
voilà chez vous, donna Fiora ! soupira Mortimer, désolé de voir s’achever
si vite un voyage qu’il trouvait si plaisant.
– Grâce
à vous, mon ami, et je ne vous remercierai jamais assez. J’espère seulement que
vous n’aurez pas d’ennuis.
En
effet, la bannière fleurdelisée flottant sur le château royal disait que Louis
XI était rentré, lui aussi. Mortimer haussa les épaules avec philosophie.
– Certainement
pas, car notre Sire savait pourquoi je restais. De toute façon, ce voyage
valait bien quelques ennuis...
A
peine Fiora eut-elle touché le seuil de sa demeure et embrassé avec effusion
ses habitants accourus à sa rencontre que, sous le prétexte de se débarrasser
de la poussière dont elle était couverte, elle se précipita dans sa chambre et,
ouvrant un grand coffre peint où elle rangeait divers vêtements, se mit à
fourrager dedans avec fébrilité.
– Ah
ça, mais que cherchez-vous avec cette hâte, mon agneau ? fit Léonarde qui
naturellement l’avait suivie, escortée de Khatoun, le jeune Philippe dans ses
bras.
– L’escarcelle
de maroquin rouge que je portais en revenant de Florence. Ah ! la voilà !
Ses
doigts nerveux palpaient le cuir fin et en tiraient une branchette d’olivier
fanée et un petit flacon
Weitere Kostenlose Bücher