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Fiora et le Téméraire

Fiora et le Téméraire

Titel: Fiora et le Téméraire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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visage aux yeux clos, elle
rappela à Fiora le récit en forme de confession qu’un soir de printemps
Francesco Beltrami avait fait à sa fille :
    – Souviens-toi !
Il nous a dit que ta mère avait donné une fille à Regnault du Hamel. Je
jurerais que c’est elle. En ce cas, elle devrait bien avoir vingt ans comme je
le pensais...
    – Sa
fille ? Il aurait traité sa fille de cette manière ignoble ? Et cela
depuis des années ? C’est impossible : elle serait morte depuis
longtemps ? ...
    – Non,
dit Démétrios, cela n’a rien d’impossible. On a vu des prisonniers, même des
femmes, s’obstiner à vivre dans des conditions affreuses. La résistance humaine
peut se révéler stupéfiante, surtout lorsqu’il s’agit d’êtres jeunes et, à
présent, je suis certain d’avoir raison : cette jeune femme est ta sœur,
Fiora !
    – Ma...
sœur ?
    Le mot
et plus encore l’idée cheminèrent lentement dans l’esprit de la jeune femme
cependant si vif. Elle n’avait guère jusqu’ici arrêté sa pensée à cette
péripétie du récit de son père et jamais songé, surtout pas comme à une sœur, à
l’unique enfant que Marie de Brévailles avait eu de son mariage. Elle n’avait
pas non plus posé de questions à ce sujet parce qu’elle n’imaginait pas qu’un
père, fût-ce un du Hamel et si abject soit-il, pût se faire le bourreau de son
propre enfant. Selon elle, la fille du conseiller avait dû être confiée, après
la fuite de sa mère, à quelque couvent, à moins que sa grand-mère ne l’eût
réclamée, ce qui eût été normal. Mais elle découvrait à présent que l’infâme
personnage avait reporté sur l’enfant la haine qu’il vouait à Marie. Il en
avait fait son souffre-douleur, lui infligeant un long martyre qu’il dut se
complaire à observer. La tuer aurait été trop rapide, moins délectable sans
doute, mais qu’il eût poussé l’ignominie jusqu’à la livrer aux entreprises de
ses valets... cela passait l’entendement et toute tolérance ! Tremblante
de colère, Fiora pensa qu’il était bien dommage que du Hamel fût mort si vite.
Quelques secondes à peine de folle terreur alors qu’il eût largement mérité une
lente agonie subie dans les plus cruelles tortures !
    Lentement,
elle s’en revint vers le lit où Léonarde faisait boire cette sœur dont elle ne
savait même pas encore le nom et se sentit envahie par une immense pitié. Elle
prit doucement une des mains si maigres qu’elles ressemblaient à des griffes et
la conserva dans la sienne. Léonarde lui jeta un rapide coup d’œil :
    – Vous
pensez, n’est-ce pas, que ce misérable n’a pas pavé assez cher ? Sur cette
terre, sans doute. Encore que je remercie Dieu qu’il vous ait évité de tremper
vos mains dans ce sang pourri ! Mais je ne crois pas que l’enfer soit un
lieu si délectable et vous pouvez être certaine qu’à cette heure messire du
Hamel en a déjà franchi le seuil brûlant.
    Spontanément,
Fiora vint entourer de son bras le cou de sa vieille gouvernante et l’embrassa :
    – Vous
savez toujours trouver les mots qu’il faut me dire, n’est-ce pas, ma chère
Léonarde ? Faites-moi penser à vous rappeler plus souvent que je vous aime
beaucoup !
    – C’est
bien agréable à entendre. Et puisque vous trou vez que mes discours ont quelque à-propos, écoutez donc
celui-là : il est affreusement tard et vous tombez de sommeil. Allez
dormir ! Demain il fera jour et nous verrons à mettre un peu d’ordre dans nos
idées. Je sais en tout cas que les miennes en ont le plus grand besoin ! ...
    Le
lendemain matin, le quartier était en révolution et son vacarme montait à l’assaut
des nobles demeures et des ateliers d’armuriers de la rue des Forges. Trouvant
la porte de la maison du Hamel largement ouverte, une voisine poussée par une
curiosité ancienne s’y était hasardée non sans avoir, tout de même, lancé
quelques appels dans le vide. Elle en était ressortie peu après en poussant d’affreux
hurlements qui avaient réveillé en sursaut tout ce qui dormait encore et attiré
sur-le-champ une foule excitée au premier rang de laquelle on pouvait remarquer
Chrétiennotte, tenant de grands discours avec des airs de tête superbes et
racontant à qui voulait l’entendre l’aventure nocturne de son défunt Janet,
agrémentée de quelques trouvailles de son cru.
    – D’ici
qu’elle nous mêle à ses histoires il n’y a pas loin ! grogna

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