Fiorinda la belle
qui lui était arrivé.
Ferrière se raidit, fit appel à tout son sang-froid, interrogea les uns et les autres. Il ne put en apprendre plus que ce qu’il savait déjà. On lui dit que Beaurevers, la veille, vers les huit heures du soir, avait cru entendre un appel, qu’il était sorti précipitamment et n’était plus revenu. On pensait qu’il ne tarderait pas à venir s’informer de la jeune fille qu’il affectionnait comme une sœur. Et il partit comme une flèche vers la rue Froidmantel.
Là, nouveau contretemps : Beaurevers était absent. Du moins on put lui dire qu’il était allé au Louvre donner sa leçon d’armes au roi. Il y alla.
Il s’informa auprès de l’officier de garde à la porte qui lui apprit que M. de Beaurevers venait de sortir à l’instant et s’était dirigé vers le quai, du côté de Saint-Germain-l’Auxerrois. En se dépêchant, M. de Ferrière le rattraperait sans peine.
Ferrière reprit sa course ventre à terre. Au tournant de la rue des Fossés-Saint-Germain, il heurta violemment un gentilhomme qui se trouvait sur son chemin. Il passa sans s’arrêter, sans reconnaître celui qu’il venait de heurter ainsi qui n’était autre que Rospignac. Il se contenta de lancer un mot d’excuse et courut d’autant plus vite qu’il venait enfin de reconnaître Beaurevers qui s’en allait de ce pas vif qui lui était particulier.
Rospignac, en se sentant bousculé, avait lancé un énergique juron. Voyant que le passant pressé ne s’arrêtait pas pour lui faire des excuses auxquelles il avait droit, il avait eu un mouvement en avant pour s’élancer à sa poursuite. Il avait alors reconnu Ferrière. Il s’arrêta et le regarda courir en souriant d’un sourire mauvais.
Il ramena le pan du manteau sur le visage, et pressant le pas, il se mit à son tour à la poursuite de Ferrière.
Le vicomte, pendant ce temps, rattrapait enfin le chevalier.
Du premier coup d’œil Beaurevers comprit qu’il lui arrivait quelque chose de fâcheux.
« Entrons là, dit-il ; nous serons mieux pour causer. »
Et il entraîna Ferrière, qui se laissa faire sans résister.
Derrière eux, Rospignac vint s’arrêter devant la porte du même cabaret. Ce cabaret, situé à l’angle de la rue des Fossés, avait une deuxième entrée sur la place Saint-Germain-l’Auxerrois.
Ce fut par là qu’il entra. Une pièce d’or distribuée à propos fit le reste. Sans avoir été vu lui-même, il se trouva de façon à pouvoir entendre et voir ce que diraient et feraient les deux jeunes gens.
Ferrière entama le chapitre des confidences sans plus tarder. Il raconta la scène qu’il avait eue avec son père.
Beaurevers l’avait écouté avec une patience inaltérable et avait répondu à toutes les questions avec une complaisance sans bornes.
Et il arriva ce que Ferrière avait espéré : que Beaurevers, par son assurance, lui rendit un peu de cette tranquillité d’esprit qui l’abandonnait, et, par ses exhortations, le soulagea des remords qui l’accablaient.
Mais ce fut surtout au sujet du vidame que Beaurevers se montra le plus sûr de lui.
« Tout cela s’arrangera. Ne brusquez rien, ne vous faites pas de mauvais sang, restez tranquille chez vous, puisque le vidame vous a interdit sa porte. Il finira par s’apercevoir que son fils lui manque. D’ailleurs, j’en fais mon affaire.
– Ah ! chevalier ! s’écria Ferrière radieux, vous me rendez à la vie ! C’est vraiment ma bonne étoile qui vous a mis sur mon chemin.
– Vous épouserez votre Fiorinda, vous vous réconcilierez avec votre père. J’en réponds. Il ne faudrait pas croire pourtant que cela sera dès demain. Non, il faudra de la patience.
– Hélas ! soupira Ferrière, si seulement je retrouvais celle que j’aime !
– Si j’ai un conseil à vous donner, fit-il, voyez du côté de Rospignac. Je ne sais pourquoi j’ai dans l’idée qu’il doit savoir, lui, ce qu’est devenue votre fiancée.
– Bon ! fit Ferrière qui se leva résolument, je vais me mettre à la recherche de Rospignac. Et il faudra bien…
– Ne brusquez rien, conseilla Beaurevers qui se leva lui aussi, Rospignac est un homme très fort, très dangereux. Jouez serré avec lui, sans quoi vous n’en tirerez rien. Si vous voulez que je vous dise le fond de ma pensée : N’usez pas de violence, gardez-vous comme de la peste d’user de franchise… oui, cela vous étonne de m’entendre parler ainsi, mais depuis
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