Fiorinda la belle
madame… Et rien ni personne au monde ne pourra m’en empêcher.
– Pauvre enfant ! Je comprends votre inquiétude maintenant. Mais cette enfant, pourquoi n’a-t-elle pas parlé, la sotte ? Je vous eusse fait prévenir… Vite, vicomte, il faut rassurer cette pauvre enfant !…
– Quoi, madame, vous daignez permettre ?…
– Certainement que je permets !… Et je m’excuse de tous les ennuis que je vous ai involontairement causés. »
Elle avait déjà frappé sur le timbre. Ce fut M me de Fontaine-Chalandray qui parut aussitôt.
« Torcy, ma belle, dit vivement Catherine, conduisez, je vous prie, M. le vicomte de Ferrière auprès de la jeune fille que vous trouverez dans le petit cabinet attenant à ma chambre à coucher. »
Et se tournant vers Ferrière :
« Allez, vicomte, et ne m’en veuillez pas trop.
– Comment vous en voudrais-je ? madame, alors que vous me traitez avec tant de bonté ? »
Elle se pencha sur lui et confidentielle :
« Vous me plaisez, vicomte, dit-elle, et je vous dois une compensation ; je parlerai à M. le vidame… je tâcherai de lui faire entendre raison… Et comme je suis assez éloquente quand je parle pour ceux que j’aime, je crois que je réussirai… Chut ! Vous me remercierez plus tard. Allez ! »
X – FERRIÈRE ET FIORINDA
En voyant paraître son fiancé, la jeune fille avait eu un petit cri de joie et son premier mouvement, tout impulsif, avait été de courir à lui les bras tendus. Et il avait refermé les siens sur elle dans une douce et chaste étreinte, appuyant la chère tête contre son cœur qui battait la chamade, frôlant du bout des lèvres l’opulente chevelure, se grisant du parfum subtil qui s’exhalait de toute sa personne.
Un long moment, ils se tinrent ainsi étroitement enlacés.
Ce fut elle qui revint la première au sentiment de la réalité.
« J’étais sûre que vous me trouveriez ! dit-elle.
– Charbieu ! Fussiez-vous cachée au plus profond des enfers que j’aurais tôt fait de vous y découvrir ! »
Ils riaient tous les deux. Cependant ils sentaient que leurs paroles étaient très sérieuses. Ils devinaient que chacun d’eux avait en l’autre une confiance absolue, que rien ne pouvait entamer.
Rêveur, il murmura, comme se parlant à lui-même :
« C’est curieux, il n’y a cependant pas longtemps que je vous connais, et il me semble que c’est loin, loin… Si loin que je finis par me persuader que je vous ai toujours connue… Je ne peux pas admettre que j’ai vécu si longtemps sans vous, ai-je vécu seulement ?… Eh ! non, par la chair de Dieu ! En réalité, ma vie ne date que du jour où je vous ai vue. Avant, je n’étais qu’un corps sans âme.
– C’est tout à fait comme moi, dit-elle. Si je vous perdais maintenant… je mourrais. »
Ils étaient redevenus sérieux tous les deux. Ils se regardèrent un inappréciable instant. Et leurs mains s’étreignirent dans un geste spontané.
Catherine, adroitement dissimulée derrière une tenture voyait et écoutait les fiancés. Elle songea :
« Ils s’adorent, c’est certain… En jouant adroitement de leurs sentiments que je connais maintenant, j’obtiendrai d’eux une soumission passive à mes volontés… »
Pendant qu’elle se faisait cette réflexion, Ferrière prenait Fiorinda par la main et la conduisait à un siège où elle s’asseyait pendant que lui-même demeurait respectueusement debout devant elle. Et ils se mirent mutuellement au courant de ce qui leur était arrivé.
Ce fut Fiorinda qui parla la première. Elle raconta comment elle avait été enlevée au moment où elle se disposait à frapper à la porte de l’hôtel de la rue des Petits-Champs.
« Comme vous avez dû avoir peur quand vous avez été saisie », s’apitoya Ferrière.
Elle avoua franchement :
« Oui, j’ai eu peur… très peur même… »
Elle réfléchit un instant, l’œil perdu dans le vague. Et fixant son regard sur lui, très sérieuse, elle expliqua :
« Mais cela n’a duré qu’un instant très court. Et je n’ai pas perdu un seul instant la tête… »
Elle fouilla dans son sein et en sortit un mignon petit poignard qu’elle présenta à Ferrière en souriant :
« Avec cette arme qu’on avait eu le tort de me laisser, dit-elle, je ne crains personne. »
Elle disait cela très simplement, sans forfanterie aucune, en personne qui connaît la valeur exacte de sa force physique et
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