Fleurs de Paris
conscience.
– Faisons le tour de la maison,
voulez-vous ?
– Soit !
Les deux hommes firent donc le tour du jardin.
Ils rentrèrent dans la maison. Gérard s’assura de la solidité de la
porte et des volets du rez-de-chaussée.
– Je n’ai rien à dire pour les volets,
murmura-t-il, ils ont un système de fermeture qui défie toute
effraction ; mais la porte… la porte m’inquiète !
– Bon ! fit Pontaives ébahi. Je
défie bien le cambrioleur le plus avisé de l’ouvrir…
– Eh bien ! enfermez-vous, dit
Gérard, et vous allez voir…
Pontaives obéit, s’enferma dans le vestibule
et poussa les verrous de sûreté. Gérard était resté dehors. Un
quart d’heure se passa. Pontaives tenait ses yeux fixés sur la
porte. Il souriait et songeait :
– Est-ce que la raison de ce brave baron
serait quelque peu dérangée ?…
Tout à coup, il tressaillit : il venait
de voir la porte massive s’entr’ouvrir lentement, par poussées
successives ; Pontaives, stupéfait, n’entendait pas le moindre
bruit ; la porte cédait toujours, et, tout à coup, elle
s’ouvrit, non pas toute grande, mais assez pour donner passage a
Gérard qui apparut, ruisselant de sueur, la figure convulsée, avec
une si étrange physionomie que Pontaives se sentit frémir d’un
indéfinissable malaise.
– Mes compliments ! fit-il en riant
du bout des dents.
Chapitre 47 L’AMOUR DE LISE
Pour la première fois, réellement, depuis
l’arrestation le jour même du mariage, Lise et Gérard se
retrouvaient en présence.
Lorsque Gérard entra, d’un air riant et grave
tout ensemble, Lise se leva s’avança au-devant de lui et lui tendit
les deux mains qu’il prit. Ils demeurèrent ainsi une longue minute
à se contempler…
– Comme tu es pâlie et changée ! dit
enfin Gérard.
– C’est que j’ai beaucoup souffert,
Georges, répondit-elle. Peut-être ne suis-je plus à tes yeux celle
que tu aimais tant !…
– Toujours ! fit-il d’une voix basse
et tremblante. Et, si je puis dire, plus belle encore !… Si je
pouvais t’aimer davantage, je t’aimerais ainsi ; me trouves-tu
changé ?
– Non, Georges ! Tu es tel que je
t’ai vu dans notre petit logement, avec ton front ombrageux, cette
inquiétude au coin de tes yeux, et cette flamme de ton regard, et
ce sourire qui tantôt m’effrayait par son mystère et tantôt faisait
fondre mon cœur comme neige au soleil…
Elle était pa1pitante. Il tremblait…
– Assieds-toi, dit-il, nous avons à nous
dire des choses graves… Pendant quelques jours, tu demeureras ici,
chez Max Pontaives, un galant homme d’une amitié fidèle et de
relations sûres. Moi, pendant ce temps, j’ai des affaires à
arranger. Quand ce sera fini, nous chercherons ensemble une
retraite où tu puisses vivre en toute sûreté. Consens-tu à accepter
l’hospitalité de Pontaives ?…
– Oui, Georges, puisque cela t’est
nécessaire, à toi. Je serai courageuse pour cette nouvelle
séparation.
– Elle sera brève, je te jure.
– Je te crois, Georges !
– Bien. Donc, tu demeureras ici en
société avec une jeune dame dont tu n’as pas à te défier, mais qui
n’est pas une femme que tu puisses fréquenter. Tu n’auras donc pour
elle que les égards qui te seront inspirés par ton cœur ; je
ne sais si tu me saisis bien.
– Là-bas, tandis que tu causais avec ton
ami, la porte était restée entr’ouverte ; j’ai entendu ce
qu’il a dit au sujet de cette personne qui s’appelle Magali…
– Et tu consens à demeurer avec
elle ?…
– Oui, Georges, puisque cela t’est
nécessaire, à toi.
Gérard baissa la tête. Des pensées venues de
très loin, imprécises et pourtant violentes, montaient dans son
esprit et lui disaient qu’il se trouvait devant une âme
exceptionnelle – comme la sienne, elle aussi, était
exceptionnelle…
– Pourquoi persistes-tu à m’appeler
Georges ? fit-il brusquement. Tu sais que je m’appelle
Gérard !… Gérard d’Anguerrand ! Tu le sais,
pourtant !…
– J’ai si souvent prononcé ce nom de
Georges, qu’il est devenu familier à mes lèvres ! dit Lise
avec une douceur qui fit frémir l’homme jusqu’aux entrailles. Mais
tu as raison… ton nom est Gérard… j’aimerai le nom de Gérard comme
j’aimais le nom de Georges…
– Valentine ! cria Gérard dans un
sanglot.
– À mon tour ! fit-elle avec un
adorable sourire. Pourquoi m’appelles-tu Valentine, puisque
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