Fleurs de Paris
ton le plus courtois, et si vous voulez me
suivre…
– Un instant ! Je voudrais, pendant
notre entretien, être sur que personne n’entrera chez vous…
– Justin ! appela Pontaives.
Le valet de chambre reparut.
– Jusqu’à nouvel ordre, lui fut-il
ordonné, n’ouvrir à personne.
Pontaives alluma une cigarette, poussa devant
Gérard une table roulante qui supportait tout ce qu’il faut pour
élaborer un cocktail, puis se jeta sur l’immense canapé qui
occupait la profonde et vaste embrasure de la baie ouverte sur la
rue. Il avait parfaitement remarqué que le baron d’Anguerrand était
vêtu de bizarre façon et qu’il y avait sur son visage des traces de
maquillage. Mais il était trop subtil Parisien pour s’étonner
ouvertement de ces détails, et la présence de la jolie inconnue lui
laissait entrevoir quelque aventure qu’il serait enchanté de
connaître. Il attendit donc paisiblement que le baron
s’expliquât.
– D’abord, fit Gérard, votre parole que
vous ne m’avez pas vu, que vous n’avez pas vu… celle qui
m’accompagne…
– Vous avez ma parole.
– Maintenant, Pontaives, je veux vous
emprunter de l’argent…
– Combien ? fit Max qui s’attendait
à quelque gros emprunt motivé par il ne savait quelles causes. Car
le baron d’Anguerrand était archimillionnaire au su et au vu de
Tout-Paris.
– Une centaine de louis, dit Gérard.
Pontaives, cette fois, ne put maîtriser un
tressaillement. Que s’était-il passé pour que le millionnaire baron
eût besoin de deux mille francs, alors qu’il ne sortait jamais sans
une grosse somme sur lui ?…
Il se souleva à demi, et dit :
– Tournez-vous… Allongez la main vers
cette japonaiserie que vous voyez… Tournez la clef… là… vous y
êtes… Prenez ce qu’il vous faut, mon cher.
Gérard avait obéi. Au fond d’un tiroir, il vit
quelques billets de banque et de l’or… l’argent de poche du riche
désœuvré. Il prit deux billets de mille francs et referma le
meuble.
– Je vous rendrai cela demain soir,
dit-il.
– Fi donc ! Ne parlons pas de cette
misère, ou vous allez me faire croire que vous m’en voulez de ce
que je me suis trouvé votre témoin adverse au duel de ce pauvre de
Perles… Vous savez qu’il est mort ?
– Oui. J’ai su cela hier. Mais passons
maintenant à une troisième question Que dit-on de moi… depuis…
– On a dit… attendez donc… que n’a-t-on
pas dit ?…que vous aviez filé pour voir le soleil de minuit au
Groënland ; vous savez que c’est la mode… et d’autres, que
vous aviez armé un yacht pour faire le tour du monde…
– La vérité est plus simple, dit Gérard
qui eut un deuxième soupir de soulagement : nous étions à
Prospoder… un vieux manoir que nous avons là-bas, en Bretagne… une
toquade de feu mon père…
– Eh bien ! vous me voyez
enchanté ! J’ai été seul à le dire, et par conséquent le seul
à avoir deviné la vérité…
– Pontaives, vous possédez à Neuilly une
villa dont j’ai admiré la position et l’agencement. Loin du bruit,
loin des importuns, des murs élevés, enfin tout ce qu’il faut pour
assurer le mystère. Pontaives, voulez-vous me céder votre
villa ?
– Jamais ! s’écria Pontaives en
riant.
– Alors, louez-la moi ? Il me la
faut tout de suite !… Soyez généreux jusqu’au bout,
Pontaives !
– Diable, mon cher !… Tout de
suite ? C’est que j’installe à Neuilly une jeune personne qui
me tient fort au cœur et qui, elle aussi, veut absolument, et de
toute nécessité, demeurer cachée… Il faut au moins deux jours pour
lui installer un autre logis… et vous céder la villa.
– Vous êtes l’homme le plus généreux que
je connaisse, dit Gérard avec une sombre émotion qui, du moins,
était réelle. Vous faites là pour moi un sacrifice que bien peu de
gens de notre monde eussent consenti. Mais, dites-moi, est-il
réellement indiscret de vous demander qui est cette personne qui
habite votre villa ?…
– Magali est une cocotte, dit
Pontaives ; mais elle n’est pas ma maîtresse.
– Ah ! elle s’appelle
Magali ?…
– Oui. Et tenez… elle a été la cause
indirecte du duel de ce pauvre marquis avec mon ami Ségalens.
– Ce Ségalens est votre ami ?
– Oui, dit gaiement Pontaives. Pour en
revenir à Magali, je vous répète qu’elle n’est pas ma maîtresse. Je
lui donne l’hospitalité dans ma villa, voilà tout. Mais je
Weitere Kostenlose Bücher