Fleurs de Paris
suis sûr qu’elle reviendra me
consoler.
« Où êtes-vous, Jeanne ?…
« Je vous cherche. Aussi ardemment que
j’ai pu souhaiter vous voir, je cherche maintenant une entrevue
avec vous. Pourtant, il est possible que je meure avant de vous
avoir trouvée. Si cela arrive, mon notaire vous remettra cette
lettre.
« Adieu, Jeanne ! Puissiez-vous
pardonner à celui qui vous a aimée ! Puissiez-vous, lorsque
vous parlerez de moi avec Lise… avec votre fille, ne plus prononcer
mon nom avec haine !… »
Chapitre 53 LES ALLIÉS
Quelques jours après cette soirée où Ségalens
et Jean Nib dînèrent ensemble dans un restaurant de la rue Drouot,
Zizi et La Merluche, vers quatre heures du soir, longeaient la rue
Clignancourt. La Merluche portait un paquet assez volumineux, et
Zizi l’escortait, les mains dans ses poches.
Boulevard de la Villette, ils s’enfoncèrent
dans une ruelle et finirent par s’arrêter devant une boutique de
bric-à-brac.
– Vas-y, Merluchot ! Et surtout
tâche de ne pas te faire estamper comme la dernière fois ! Ça
vaut au moins cinquante balles !…
La Merluche prit le paquet, entra, et fut
accueilli par le sourire de connaissance d’un vieux bonhomme
crasseux qui l’emmena au fond de l’arrière-boutique. Là, La
Merluche défit son paquet – le paquet que l’agent Chique avait aidé
à porter !… Le paquet contenait deux magnifiques candélabres
qui pouvaient valoir mille francs ! Ce vieux bonhomme était un
receleur.
Après avoir longtemps examiné
la
marchandise
devant Julot palpitant, il offrit soixante francs
que le fils de l’agent accepta en tressaillant de joie.
– Combien ? demanda avidement Zizi
en le voyant reparaître.
– Soixante balles ! répondit La
Merluche avec son incurable honnêteté.
– Chouette !… À la fin de la
semaine, t’auras quinze balles au lieu de dix ; tu diras que
t’as été augmenté, et ça épatera ton dab. En attendant, voici
quarante sous pour faire la noce…
*
* * * *
Quelques heures plus tard, c’est-à-dire vers
neuf heures du soir, Zizi rentrait rue Letort, et grimpait au
galetas de La Veuve où il avait élu domicile. Il contempla avec
orgueil le véritable magasin au centre duquel il se trouvait.
C’était une mine inépuisable. Il n’y avait qu’à puiser dans le tas…
Il va sans dire que le paquet de tout à l’heure sortait du
galetas.
Zizi se déshabilla et se coucha dans la grande
caisse.
Puis il souffla la bougie qui brûlait sur une
chaise près de la caisse, et la conscience sans remords dans le
passé, sans inquiétude dans l’avenir, il ferma les yeux.
Or, Zizi était couché depuis vingt minutes et
commençait à s’engourdir dans un bienheureux sommeil Lorsqu’il lui
sembla tout à coup qu’on introduisait une clef dans la serrure.
– Mince alors ! songea-t-il. V’là
qu’on vient me cambrioler, à c’t’heure ? Et y a une police,
des flics, des roussins, qu’on peut pas faire un pas sans marcher
dedans ! Non, mais à quoi qu’elle sert, la police, à quoi
qu’elle sert, si on ne peut plus roupiller tranquille !
Tout en pestant ainsi, Zizi s’était soulevé de
façon que sa tête effleurât le rebord de la caisse, et il braquait
des yeux indignés sur la porte où il s’attendait à voir paraître un
cambrioleur. Soudain la porte s’ouvrit. Une lumière pâle se
répandit dans le galetas, et Zizi murmura :
– La Veuve !… Qu’est-ce qu’elle veut
cette chipie ?… Tiens, elle n’est pas seule… Oh ! mais je
reconnais cette bobine-là, moi… J’y suis ! c’est la baronne de
Va-te-faire-lanlaire !…
Avec la silencieuse souplesse d’un chat, Zizi
se renfonça dans la caisse, où il se tassa en boule, ramenant
entièrement sur lui la couverture. Il était loin d’être
rassuré.
La Veuve était entrée en refermant
soigneusement la porte. Zizi trembla en l’entendant s’approcher de
la caisse qui lui servait de lit. Une impression de terreur
étrange, insurmontable, s’empara de lui lorsqu’il écouta ces pas
silencieux, mous, glissants, qui venaient vers lui.
Alors, La Veuve parla :
– Ici, nous ne serons ni dérangées, ni
épiées. Il y a des années que je cache ici les marchandises que
j’écoule ensuite peu à peu. Et personne au monde n’a eu l’idée
d’entrer là… personne ! sauf la bouquetière. Mais celle-là
n’entrera plus ici !… Nous pouvons donc causer. Mais avouez,
madame la baronne, que nous avons
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