Fleurs de Paris
sans scrupule et surtout sans peur… car il y aura
bataille !
– Je puis, dans deux heures, avoir ici
même huit ou dix hommes résolus, habitués à risquer, toutes les
nuits, la prison, le bagne, et parfois la guillotine pour de
misérables sommes.
Une terrible expression de haine satisfaite
s’étendit sur le visage d’Adeline.
– Voici mon idée, reprit-elle au bout de
quelques minutes de ce silence lourd et menaçant. Je veux m’emparer
de Gérard et de Lise. Gérard, j’en ferai ce que je voudrai. Il
m’appartient tout entier, celui-là ! Quant à Lise… je vous la
livrerai…
La Veuve eut un rugissement qui fit sourire
Adeline d’un sourire aigu, terrible, plus terrible que l’expression
de haine farouche qui tourmentait la physionomie de La Veuve.
– Livrée à vous, acheva Adeline, je suis
sûre qu’elle est en bonnes mains. Je ne puis pas imaginer contre
elle, à moins de la tuer bêtement comme j’ai failli le faire, de
vengeance plus complète et plus raffinée !… Cet arrangement
vous convient-il ?…
La Veuve fit oui d’un signe de tête, incapable
qu’elle était de parler à ce moment-là.
– Il ne reste plus, dit Adeline, qu’à
combiner le plan d’attaque qui fera tomber en nos mains Gérard et
Lise. Et c’est ici que j’ai besoin de vous – de vous et de vos
hommes… Gérard, je l’ai retrouvé tout de suite. J’ai eu plus de
chance que vous. Ou bien, c’est que l’amour est plus fort que la
haine. Car je l’aime, moi ! ajouta-t-elle avec un rire
sinistre. Enfin, peu importe. Au bout de trois jours, j’ai su ce
qu’il avait été faire à Neuilly…
– À Neuilly ? fit La Veuve en
tressaillant.
– Vous connaissez Neuilly ?…
– J’y connais du moins la maison de
quelqu’un que vous avez connu, qui fréquentait chez vous, de
quelqu’un qui est mort… la maison du marquis de Perles.
Adeline pâlit. Une étrange émotion crispa ses
traits ; ses yeux flamboyèrent ; elle eut une sorte de
grincement de rage.
– Oui, gronda-t-elle, il est mort !…
Je ne puis plus rien contre ce lâche… n’en parlons plus, et
songeons aux vivants. Donc, vous disiez que vous connaissez la
villa du marquis de Perles ?
– J’y ai été une fois… pour des
affaires…
– Cela ne me regarde pas. Mais puisque
vous connaissez la maison de Perles, vous aurez dû remarquer non
loin de là une autre villa enclose de murs…
– Avec une belle grille en fer forgé… je
la vois.
– C’est là que vous trouverez Lise,
acheva Adeline.
– C’est bien. Ne m’en dites pas plus. Je
sais ce qui reste à faire… le reste me regarde. Je vous demande
seulement trois ou quatre jours pour préparer l’expédition. Car,
cette fois, il faut réussir… ou j’en crèverai. La maison doit être
bien gardée, bien défendue… Il y a des hommes, sans doute.
– Sûrement ! Il y a d’abord Gérard
qui vit là avec sa maîtresse…
– Croyez-vous donc qu’elle soit devenue
sa maîtresse ? grinça La Veuve.
– Et puis, il y a aussi Pontaives,
continua Adeline sans répondre. Positivement, je ne sais qu’une
chose c’est que Lise est là. Mais puisqu’elle y est, sûr que vos
hommes se heurteront à Gérard. Prenez vos précautions. Gérard vaut
six hommes à lui seul…
– Je vous dis que, cette fois, je
réussirai ! gronda La Veuve.
– Adieu donc, dit Adeline en se levant.
Demain, après-demain, à toute heure du jour ou de la nuit,
prévenez-moi de ce qui se prépare et du moment où se fera
l’expédition je veux être là…
– Où vous trouverai-je ?
– Place Vendôme, à l’Impérial-Hôtel. Vous
demanderez la comtesse de Damart. C’est mon nom… Adieu.
– Je vous accompagne jusque dans la rue.
Car je ne couche plus dans cette maison. Vous-même, si une
circonstance imprévue vous forçait à me voir avant que je vienne
chez vous, venez me demander…
Le reste se perdit dans un murmure indistinct,
car déjà La Veuve et Adeline avaient franchi la porte et
commençaient à descendre l’escalier… Dans le galetas, dix minutes
s’écoulèrent avant que le moindre bruit se fît entendre. Enfin, au
fond de la caisse, la paille craqua, puis une allumette s’enflamma,
et à la lueur de la bougie apparut la tête pâle, effarée, terrifiée
de Zizi. Longtemps encore le voyou écouta en comprimant les
battements de son cœur. Lorsqu’il fut certain que les deux femmes
étaient bien parties et que La Veuve ne
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