Fleurs de Paris
eu de la chance ! Nous nous
cherchions toutes deux…
– Des gens comme nous se retrouvent
toujours en y mettant un peu de bonne volonté. Je vous connais à
peine. Mais telle que je vous ai entrevue, telle que je vous vois,
je devine en vous quelque chose de formidable. En vous arrachant la
petite Lise, je sais que j’ai encouru votre haine et votre
vengeance… mais…
– N’allez pas plus loin, fit La Veuve. Je
puis maintenant vous dire pourquoi je vous cherchais, moi ! Je
voulais vous dire en effet, qu’en m’arrachant la petite
d’Anguerrand, c’est comme si vous m’aviez arraché le cœur, et que
je vous hais pour le mal que vous m’avez fait et que je me suis
vengée !
– Vous vous êtes vengée ? demanda
Adeline avec étonnement. Et comment ?
– Vous ne tarderez pas à vous en
apercevoir à certains changements que vous remarquerez chez
M. votre mari. Je me suis vengée en apprenant à Gérard
d’Anguerrand que Lise est vivante !
– Votre vengeance a porté à faux.
Qu’avez-vous voulu ? Que Gérard me quitte, n’est-ce
pas ?… Eh bien ! avant même que d’apprendre ce que vous
lui avez appris, Gérard m’avait quittée et n’était plus rien pour
moi… ou tout au moins je n’étais plus rien pour lui. Vous vous êtes
trompée, voilà tout.
– La malédiction est sur moi, gronda La
Veuve en elle-même. Rien ne me réussit…
– Tenez, reprit Adeline, lorsque je vous
ai vue à l’hôtel d’Anguerrand, vous m’aviez proposé une alliance.
C’est que vous aviez bien compris que deux femmes comme nous
doivent se soutenir et s’aider. J’ai eu tort, il est vrai, de
contrecarrer vos projets, puisque ces projets, au fond, étaient les
miens. Mais ne pensez-vous pas que nous ferions mieux l’une et
l’autre de redevenir bonnes amies ? Si c’est non, je m’en
vais. Si c’est oui, causons. Je vous le répète j’ai besoin de vous,
et… je crois que vous avez besoin de moi…
– Qu’avez-vous à me proposer ?
– Une double question, d’abord.
Savez-vous où est Gérard ?
– Non ! fit La Veuve dans un soupir
de haine affreuse.
– Savez-vous où est Lise ?
– Non, répéta La Veuve avec un grondement
de furieuse douleur.
Et Adeline fut convaincue que La Veuve disait
la vérité.
– Eh bien ! dit alors tout à coup
Adeline, moi je sais où est Gérard !… Je sais, moi, où est
Lise !
– Vous ! rugit La Veuve dans un cri
de joie terrible.
– Moi ! dit tranquillement Adeline,
sûre désormais de conquérir La Veuve. Moi ! Et, si vous le
voulez, je vais vous dire tout de suite où ils sont l’un et
l’autre !…
La Veuve se leva. Elle tremblait. Sa figure
convulsée avait pris des teintes livides.
– Dites-moi cela… et puis ne me dites
plus rien… Dites-moi cela, et je vous bénirai… Vous me demandez
d’être votre associée, je serai votre servante…, oui, je vous
servirai…, je suis fidèle, moi ! fidèle à mes haines, fidèle à
mes amitiés…
– Ce que vous me demandez, je suis venue
pour vous le dire. J’ai besoin de vous. Je ne vous demande pas
votre amitié. Je vous demande de m’aider. Vous avez une haine. J’en
ai une autre. Combinons-les et faisons-en sortir la foudre qui tue.
Voilà ce que j’avais à vous dire. Maintenant, écoutez-moi. Je veux
d’abord savoir dans quelles circonstances vous avez dit à Gérard
que Lise est vivante…
– Volontiers, oh ! bien
volontiers ! fit La Veuve avec une sorte d’humilité
empressée.
La Veuve, en peu de mots, fit le récit de la
scène que nous avons racontée : l’arrivée de Gérard dans le
logis de la rue Saint-Vincent, les cris de Lise et leur départ à
tous deux.
Par les dates que fournit La Veuve, Adeline
supputa que la réunion de Gérard et de Lise s’était accomplie le
lendemain ou le surlendemain du jour où son mari était parti, la
laissant seule dans le pavillon de la rue d’Orsel.
Puis La Veuve raconta comment elle s’était
mise à suivre Gérard et Lise, comment elle avait rencontré Biribi,
et comment elle était montée dans un taxi avec l’escarpe.
– Qu’est-ce que cet homme ? demanda
Adeline.
– Un homme à moi. Un couteau emmanché à
ma pensée.
– Bon. Nous aurons à l’employer, vous
pouvez le retrouver quand vous voudrez ?
– Il est à ma disposition nuit et jour,
et prêt à agir.
– Bien. Et peut-il, ou pouvez-vous
vous-même, ramasser cinq ou six bandits comme lui, capables de
tout,
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