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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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moi qui augmenterai la gêne… Bon. Maintenant, dites-moi, où
faut-il vous conduire ? C’est qu’il va falloir vous soigner,
vous savez… Vous en avez pour quelques jours… Si je vous conduisais
dans un hôpital ?…
    – Non ! fit Jean Nib.
    – Où, alors ?…
    Jean Nib demeura muet. Où ?… Où
aller !… dans une heure peut-être, dans deux heures au plus,
cette surexcitation qui le soutenait aurait disparu. Et
alors !… Où ? Chez eux ?… Il était l’homme de la rue
et de la nuit. Le jour allait venir. Et il lui faudrait se trouver
quelque part, hôpital ou maison hospitalière… infirmerie du Dépôt,
peut-être !…
    – Où ? reprit Pierre Gildas. Vous ne
savez pas, n’est-ce pas ? Vous ne savez pas où aller !…
N’ayez pas peur, encore une fois. Si vous êtes poursuivi, traqué,
ce n’est pas moi qui vous pousserai où vous ne voulez pas aller…
Vous n’avez pas d’ami qui vous recueillerait ?… Non ?… Je
comprends ça, allez ! personne au monde, en ce moment, ne vous
comprendrait comme je vous comprends…
    Il parlait d’une voix de douceur et de
joie.
    Plus il était difficile de sauver Jean Nib, et
plus il sentait sa joie monter.
    – Alors, bien vrai, vous êtes sur le
pavé, quoi ? Et pourtant, il faut que vous soyez quelque part…
En bien, écoutez, voulez-vous venir chez moi ?
    – Chez vous ? Où est-ce ?…
    – Avenue de Villiers. Dans l’hôtel du
comte de Pierfort.
    Pierre Gildas, en faisant cette proposition,
éprouvait une sorte de fierté bienfaisante et se sentait comme
transformé. Il se comparait à Ségalens qui, en des circonstances
identiques, l’avait conduit chez lui et l’avait sauvé du désespoir
après l’avoir sauvé de la mort.
    – Le comte de Pierfort ? dit Jean
Nib. Qu’est-ce que le comte de Pierfort ?
    – Mon maître. Je suis son intendant, ou,
si vous voulez, son homme de confiance. Mais quel que soit cet
homme, vous n’avez pas à concevoir d’inquiétude, car vous entrerez
dans l’hôtel à son insu, vous y resterez secrètement, et nul ne
saura que vous y êtes, je vous le jure…
    Jean Nib demeurait sombre. Cet intérêt qu’on
lui témoignait l’inquiétait. La caresse même d’un inconnu effraie
le fauve habitué à ne voir autour de lui que des ennemis :
cette caresse peut être un piège…
    Mais Jean Nib se sentait affreusement faible,
seul et triste.
    Près de Rose-de-Corail, il pouvait braver la
solitude que bien peu d’hommes peuvent supporter, vivre hors la
loi, hors la société, hors tous les sentiments imposés par la
convention sociale. Sans Rose-de-Corail, cette âpre jouissance de
la solitude devenait un effroi.
    Il se traînait à peine. Pour prononcer les
quelques mots qu’il venait d’échanger avec son sauveur, il lui
avait fallu une extraordinaire énergie. S’il refusait la
proposition, qui lui était faite, il allait tomber au coin de
quelque trottoir ; on le porterait dans un hôpital, et alors,
c’est aux questions de la police qu’il aurait à répondre…
    Il se laissa entraîner par Pierre Gildas,
ayant à peine conscience de ce qui lui arrivait. Lorsqu’il fut
assis sur les coussins du taxi attardé où on l’avait hissé, il eut
une nouvelle défaillance. Mais les cahots du taxi sur les pavés le
ranimèrent en ravivant la souffrance de ses blessures.
    Le jour commençait à peine à poindre lorsque
le taxi s’arrêta avenue de Villiers, à cinquante pas de
l’hôtel.
    – Courage, dit Pierre, nous voici
arrivés…
    Dans un dernier effort d’énergie, Jean Nib
marcha jusqu’à la porte de l’hôtel, que Pierre Gildas ouvrit avec
la double clef qu’il portait sur lui. Tout dormait encore dans
l’hôtel. Comme dans un rêve, Jean Nib monta les escaliers, entra
dans une chambre, sentit qu’on le déshabillait, qu’on le couchait,
qu’on lavait ses blessures à l’eau fraîche, qu’on les bandait de
compresses… Il eut cette imagination précise que Rose-de-Corail le
soignait, sans qu’il sût de quoi il souffrait, une impression de
fraîcheur le soulagea, il sourit, et tomba dans un lourd
sommeil.
    Presque aussitôt, il se mit à délirer.
    *
* * * *
    Il était onze heures du soir. Les lumières
étaient éteintes dans l’hôtel de l’avenue de Villiers. Les
domestiques dormaient. Celle qu’ils appelaient madame la comtesse
dormait aussi sans doute, car on ne voyait pas de lumière dans la
chambre de Lise. Dans son cabinet, en pleine obscurité,

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