Fleurs de Paris
Gérard,
assis dans un fauteuil, immobile et silencieux, attendait… Là-haut,
Jean Nib, dans le lit où Gildas l’avait couché, sommeillait
fiévreusement. Sur le lit, l’assassin du marquis de Perles se
penchait, et murmurait :
– Allons ! tout va bien… De la
fièvre, sans doute… mais ça ira… la nuit sera bonne.
Pierre Gildas jetait sur l’homme sauvé par lui
un regard où il y avait de la pitié et de la reconnaissance.
Puis, lentement, doucement, il se retirait,
laissant allumée sur la cheminée, une petite lampe qui jetait une
lueur pâle.
Jean Nib était seul…
Seul, avec les visions qui assiégeaient son
lit…
Il dormait lourdement, et parfois,
brusquement, se mettait à parler.
*
* * * *
Il y avait environ une heure que Pierre Gildas
était redescendu chez lui.
La porte de la chambre où gisait le blessé
s’ouvrit alors sans bruit.
Gérard d’Anguerrand entra…
Gérard, avait assisté à toute la manœuvre de
Biribi et ses complices. En sortant de la villa de Perles, il avait
attendu dehors Pierre Gildas. Il l’avait suivi. Il l’avait vu se
jeter à l’eau. Il avait assisté, sinon aux péripéties du sauvetage
que la nuit lui voilait, du moins aux allées et venues de son
intendant, et enfin, était rentré à l’hôtel, où il avait guetté son
arrivée.
Maintenant, qui était cet homme, ce noyé, ce
blessé que Pierre Gildas avait installé chez lui ? Gérard
voulait le savoir. Il voulait interroger l’homme, le terroriser par
quelque menace de dénonciation et apprendre ainsi ce que signifiait
la bagarre de la villa Pontaives, quelles gens y étaient venus,
dans quelle intention, et qui les avait envoyés.
Lorsque Gérard entra dans la chambre où
reposait Jean Nib, il était donc parfaitement calme.
Seulement, à tout hasard, il avait mis dans la
poche de son veston un couteau qui, d’ailleurs, le quittait
rarement et dans lequel il mettait toute sa confiance.
Gérard d’Anguerrand continuait à porter le
couteau de Charlot. Il referma doucement la porte et se dirigea
vers le lit du blessé, dont le visage, à ce moment, était tourné
vers le mur.
Un instant, il se pencha, écoutant le râle qui
sifflait sur les lèvres du blessé.
Puis, doucement, il le toucha à l’épaule en
disant :
– Eh, l’camaro, y aurait pas moyen de
causer un brin, toi z’et mézigo ?…
Le blessé se retourna en murmurant quelques
paroles confuses.
Gérard se redressa vivement, recula en deux ou
trois pas rapides et silencieux, et s’adossa à une encoignure de la
chambre où le blessé ne pouvait le voir…
– Jean Nib ! gronda-t-il.
Son visage s’était bouleversé et avait pris
cette teinte terreuse qu’il avait dans ses moments d’émotion
terrible… Ses yeux avaient ce regard sanglant de l’homme qui, selon
l’admirable expression du langage populaire, voit rouge. Un sourire
de cruauté découvrait ses dents blanches et aiguës.
En un instant, Gérard d’Anguerrand disparut
pour faire place à Charlot. Tous les instincts de violence et de
meurtre se déchaînèrent en lui. Il ne chercha pas à se demander
quelle accointance il pouvait y avoir entre Jean Nib et Pierre
Gildas. Tout de suite, il supposa que le hasard seul mettait Jean
Nib en son pouvoir. Il perdit de vue qu’il voulait savoir ce que la
bande était venue faire à la villa Pontaives. Il n’éprouva qu’une
monstrueuse joie mêlée d’un peu d’étonnement.
En s’accotant à son encoignure, d’un geste
prompt et sûr, il prit son couteau et l’ouvrit. Et il
songea :
« Je vais le tuer… »
Un point de détail l’arrêta seul pendant deux
ou trois minutes.
Il se demanda comment il se débarrasserait du
corps…
Mais cet arrêt ne fut pas long. Gérard sourit
il venait de songer à Pierre Gildas…
Jean Nib serait mort de ses blessures, voilà
tout.
Ceci résolu, Gérard n’avait plus qu’à frapper.
Il n’éprouva ni angoisse ni hésitation. Il était seulement très
pâle de l’étonnement et de la joie profonde qu’il venait
d’éprouver.
Gérard d’Anguerrand fit rapidement ses
préparatifs : il retroussa sa manche, et assura le couteau
dans sa main.
Le blessé ne s’était pas réveillé au moment où
Gérard l’avait touché à l’épaule. Il s’était retourné dans un
mouvement machinal. Mais ce mouvement lui avait arraché une plainte
étouffée. Puis, aussitôt, Jean Nib avait continué à parler aux
visions que créait le délire, s’arrêtant
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