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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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baron était tombé sur ses genoux, soit que
la honte l’écrasât, soit que l’émotion eût brisé ses forces. Il
cachait sa tête appuyée à un fauteuil, et il pleurait
désespérément…
    L’orgueil du nom était plus fort que le
sentiment paternel.
    Et, chose terrible, à cette minute où il
retrouvait son fils, Hubert songeait seulement que, de ses deux
fils, aucun ne pouvait porter le nom d’Anguerrand. Toute sa douleur
épouvantée, sa rage, presque toute sa pensée tenait dans ce mot qui
lui était échappé !…
    – Un escarpe !… Comme l’autre !
Comme Gérard !…
    Et, au fond de lui, malgré lui, il n’y avait
plus qu’un espoir.
    Oui ! Hubert d’Anguerrand espérait encore
que cet homme mentait…
    Et cependant, Jean Nib continuait :
    – Je vais vous dire pourquoi je suis
devenu ce que vous savez. Maintenant, voyez-vous, je revois les
choses comme si elles s’étaient passées hier. On me dirait d’aller
du château jusqu’à la Loire, que j’irais les yeux bandés, en
passant par les mêmes chemins…
    – Oui, oui, gronda fiévreusement le baron
sans changer d’attitude, sans regarder Jean Nib, dites-moi
tout !…Tout, vous entendez ! N’omettez aucun
détail !…
    – Je comprends, dit lentement Jean Nib,
il faut des preuves !…
    Le baron tressaillit de l’accent avec lequel
Jean Nib prononça ces mots.
    Et pourtant, il écoutait avidement, dans
l’espoir de surprendre une erreur.
    – Devant ce portrait, je me suis tout
rappelé, poursuivait Jean Nib avec une sorte de calme amertume.
Voyez-vous, monsieur, il paraît que j’ai été malade… j’étais tout
gosse, et je me souviens : les médecins appelaient ça une
typhoïde cérébrale, et ça m’avait laissé comme qui dirait un peu
maboul… Pardonnez-moi, je n’emploie peut-être pas les expressions
de votre monde, la haute, comme on dit dans la pègre ; c’est
que je ne sais pas on ne m’a pas appris… Donc, en sortant de
l’hôpital, je cherche à me rappeler ce qui s’était passé avant.
Ah ! oui ! autant essayer d’attraper la lune… c’était
parti dans la lune, que je vous dis ! Plus mèche même de dire
mon nom. Ma vie datait de l’hôpital, voilà. Avant ça ? Du
noir ! Et j’avais plus qu’à poser ma chique…
    Le baron redressa la tête vers Jean Nib avec
une expression de regard qui étonna l’escarpe.
    –De quoi ? fit celui-ci.
    – Poursuivez, poursuivez, murmura
Hubert.
    Et son misérable cœur tremblait maintenant. Il
revoyait l’enfant à l’hôpital ; il reconstituait la maladie du
pauvre petit que les commotions cérébrales avaient presque rendu
fou…
    – Comme je vous disais, reprit Jean Nib,
devant le portrait, je me suis rappelé tout. Et d’abord pourquoi
j’avais été malade, pourquoi le ciboulot m’avait tourné. C’était de
ne pas avoir voulu pleurer. C’était d’avoir ravalé les larmes.
C’est ça qu’a failli m’étouffer…
    – Mon fils ! mon fils !… râla
le baron.
    Mais ce fut d’une voix si sourde, si
indistincte, que Jean Nib perçut seulement un sanglot. Il
continua :
    – Et maintenant, voilà que je revois
tout. Pourquoi ? ne me le demandez pas. Il y a en moi un être
qui dormait et qui se réveille, voilà tout. Pour le réveil, il a
suffi peut-être du regard de ce portrait… Il faut vous dire quand
je suis venu la première fois, c’est aussi ce regard de caresse et
de tristesse qui m’a arrêté au passage. Les yeux de ma mère !
murmura Jean Nib avec un accent passionné qui le fit tressaillir.
Comme elle paraît triste ! ajouta-t-il en faisant un pas vers
le portrait. Elle est telle que je l’ai vue là-bas… Pourquoi ma
mère était-elle triste ? Dites, oh ! dites,
monsieur !…
    Le baron secoua éperdument la tête comme s’il
se fût refusé de répondre à cette question, et, pendant quelques
minutes, Jean Nib, les yeux fixés sur le portrait de sa mère, parut
plongé dans une méditation qui lui faisait oublier la situation.
Enfin, il se retourna vers le baron, et vit qu’il n’avait pas
changé de place, à genoux, la tête enfouie dans le fauteuil.
    – Des preuves ? reprit Jean Nib.
Quelles preuves voulez-vous que je vous donne ? Je n’ai ni
papiers ni rien… rien que mes souvenirs. Et puis, ne croyez pas, au
moins, que je veuille réclamer quoi que ce soit, ou vous faire des
reproches. Votre argent ?… la part d’Edmond ?… Ces
misères, maintenant que Rose-de-Corail est perdue

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