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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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jeta un rapide regard autour de lui… Nul ne les
écoutait. Aux tables voisines, les murmures d’entretiens secrets
formaient l’orchestration infernale du terrible duo.
    – C’est toi qui es Jean Nib ?
demande Gérard, rudement.
    – Oui. Et toi, qui es-tu ? répondit
Jean avec la même rudesse rauque.
    – On m’appelle Lilliers. On m’appelle
aussi Charlot.
    – Connu ! Eh bien ! parle, que
veux-tu ?
    – T’indiquer un coup.
    – Pourquoi, étant Charlot ou Lilliers, ne
le fais-tu pas toi-même ?
    – Parce que je n’ose pas !…
    Jusqu’à ce mot, demandes et réponses s’étaient
entre-choquées avec la rapidité du fer… Ici, il y eut un
arrêt : la réputation de Charlot dans le monde de la pègre
était une réputation d’audace invincible. Charlot avouait
qu’il
n’osait pas
. Jean Nib entrevit quelque chose de formidable. Il
eut un frisson le long de l’échine. À ce moment, une voix, à son
oreille, murmura :
    – Voici l’occasion !… Hardi, mon
Jean !…
    – Oui, Rose-de-Corail… l’occasion !
l’occasion ! gronda Jean Nib. La première occasion est
venue !… Je suis prêt. De quoi s’agit-il ?…
    – Voici, dit Gérard. Rue de Babylone,
presque à l’angle du boulevard des Invalides, il y a un hôtel. Le
baron d’Anguerrand l’habite. Il faut que cet homme
disparaisse !
    – C’est à dire qu’il meure !…
    – Oui ! fit Gérard dans un souffle,
en devenant livide.
    – Qu’est-ce qu’il y aura pour moi ?
reprit Jean Nib, la pensée entière tendue, le visage immobile,
l’œil profondément attentif.
    – Cinq mille francs tout de suite…
    – Donne ! dit tranquillement Jean
Nib.
    C’était l’acceptation !… Gérard tendit
cinq billets bleus pliés en carré. L’homme en guenilles les prit
entre le pouce et l’index et les passa à Rose-de-Corail. La femme,
sous la table, releva ses jupes laissant entrevoir une jambe
admirable, et, entre chair et bas, glissa les papiers.
    – Ensuite ? demanda Jean Nib, les
narines dilatées, l’œil fauve.
    – Vingt mille francs le lendemain de
l’affaire. Cent mille dans les huit jours qui suivront.
Total : cent vingt-cinq mille, dit Gérard.
    Jean Nib baissa un moment son front large sur
lequel sa pensée bouillonnante semblait jeter des vapeurs de
tempête. Puis il dit très bas :
    – C’est bon !… L’homme
mourra !…
    Il releva la tête, regarda Gérard, et, de
nouveau, un frisson glacial lui parcourut l’échine. Oui ! il y
avait quelque chose de formidable dans l’affaire qu’il acceptait…
Car celui qui s’appelait Charlot ou Lilliers était pâle comme la
mort… Un convulsif tremblement agitait les lèvres de Gérard… ses
ongles s’incrustaient dans le sapin de la table… Enfin, il vida son
verre d’une lampée, et, les yeux vacillants, la face blême, il
prononça très bas :
    – Ce n’est pas tout !… Il y a aussi
une femme… une jeune fille… la fille du baron d’Anguerrand…
    – C’est bon ! reprit Jean Nib dans
un grondement. Ça fera deux au lieu d’un. Est-ce tout ?…
    – C’est tout ! bégaya Gérard, qui
poussa un soupir pareil à un sanglot. Et il s’affaissa, les coudes
sur la table, la tête dans les deux mains, avec des râles si
effrayants que Jean Nib sentit l’angoisse le saisir à la gorge.
    … Ayant conclu « l’affaire », Gérard
D’Anguerrand se leva, chancelant.
    Il sortit, à peine conscient de ce qu’il
faisait et de ce qui venait de se décider, n’éprouvant de sensation
réelle que celle d’un étau de fer lui serrant le front et de grands
coups frappant ses tempes.
    Jean Nib le suivit jusqu’au dehors avec un
regard d’étonnement où il y avait presque de la pitié. Là, dans la
nuit noire, il saisit le bras de celui qu’il appelait Charlot, et
dit :
    – Tu as fait le signe :
tu es un
frère
… bon ! Mais, où te trouverai-je après
l’affaire ?
    – À l’hôtel d’Anguerrand !
    – Ah ! fit Jean Nib étonné. Et qui
demanderai-je ?
    – Le baron d’Anguerrand !
    L’étonnement de Jean Nib devint une sorte
d’effroi. Oui, oui, c’était formidable, ce qui se préparait…
    – Ah çà !… je ne comprends
pas ! fit-il d’une voix que d’étranges sensations faisaient
rauque.
    – Tu ne comprends pas ? rugit
sourdement Charlot-Lilliers. Tu ne comprends pas pourquoi, moi,
Charlot, moi, oui, moi
je n’ose pas
 ? Tu ne comprends
pas pourquoi c’est à l’hôtel

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