Fleurs de Paris
gestes
furieux qui le découvrirent. Si Jean Nib avait voulu, dès cet
instant Biribi était mort.
Mais Jean Nib ne broncha pas. Une étrange
expression s’étendait sur son visage presque apaisé.
– Biribi, dit-il, je vais te tuer…
Sa voix grondait encore ; mais, déjà,
elle semblait plus calme…
Biribi avait éclaté de rire, et se mit à
tourner autour de son adversaire, guettant le moment favorable.
– Biribi, reprit Jean Nib, si tu veux te
repentir, je te ferai grâce de la vie…
– Et comment que j’me repentirais ?
fit l’escarpe, qui porta un coup foudroyant à son adversaire.
Il y eut le choc des deux couteaux qui se
heurtaient… Jean Nib était arrivé à la parade, et Biribi avait
rompu d’un bond en arrière…
– Comment tu te repentirais ?
continua-t-il. En me rendant Rose-de-Corail…
– Tu sais donc pas où qu’elle est ?
gronda l’escarpe qui tentait une marche oblique.
– Non, dit Jean Nib très bas. Si tu veux
me la rendre, je te fais grâce de la vie, et je te donne assez
d’argent pour vivre honnête… autant que tu pourras.
– Laissez-moi m’tordre ! rugit
l’escarpe. T’es donc passé avocat bêcheur ? V’là que tu parles
comme un vrai bénisseur. Non, t’es plus Jean Nib !
– C’est vrai, je ne suis plus Jean Nib.
Je t’offre la vie et les moyens de vivre. Veux-tu ?
– Tu la perds ! Tiens ! attrape
ça !…
Biribi porta un nouveau coup, cette fois avec
tant de furie, que son élan l’emporta. Jean Nib s’était aplati
ventre à terre et se relevait aussitôt sur un genou puis
debout !…
– Alors, c’est non ? dit-il.
– Non et non ! Rose-de-Corail sera à
moi tout à l’heure. Et toi, je vais te crever !
– Soit ! dit froidement Jean Nib.
C’est toi qui l’auras voulu !…
Et il marcha sur Biribi, qui recula et chercha
d’un rapide regard un poste de combat favorable. Mais déjà son
adversaire était sur lui, et Biribi, en quelques pas, fut acculé à
l’angle de la cour. Là, le pied solidement arc-bouté, admirablement
en garde, la face livide de haine et le regard rouge, il attendit.
Une seconde les deux hommes se regardèrent. Puis, tout à coup, Jean
Nib porta un coup bas qui lui découvrait la poitrine.
– Crève donc ! hurla Biribi qui
frappa en coup de foudre.
Et presque dans le même instant, il eut un
râle terrible, il chancela ; ses mains, une seconde,
essayèrent de se crisper sur le mur ; puis il retomba
lourdement, tout d’une masse, sur le côté.
Le coup bas de Jean Nib n’était qu’une feinte…
En même temps qu’il se découvrait pour amorcer le coup, il s’était
jeté à terre, puis, se relevant d’un bond, il n’avait porté qu’un
coup à Biribi… un coup dans la gorge, au-dessus de la première
côte.
La mort de l’escarpe fut presque
foudroyante…
Jean Nib laissa tomber le couteau rouge qu’il
tenait encore à la main, et demeura immobile devant le cadavre,
oubliant tout au monde dans la rêverie d’angoisse qui s’emparait de
lui…
– Mince ! gouailla près de, lui,
tout à coup, la voix de Zizi. Ça, c’est tapé, mon vieux Jean
Nib !… Bien fait ! il avait qu’à pas m’envoyer dans le
coffre une ruade à assommer un bœuf ! Ça y
apprendra !
Ramené au sentiment de la réalité, Jean Nib
tressaillit et jeta un regard autour de lui en murmurant :
– Et M. Ségalens ?…
– Me voici, dit le reporter. J’ai vu le
coup que vous avez porté au moment où j’accourais… Une belle brute
ajouta-t-il en contemplant Biribi. Je vois, ça vous tourne le sang,
dites ?
– Un assassinat !…
– Un duel !…
– N’en parlons plus. Qu’avez-vous fait de
l’autre ?
– Tricot ? s’écria Zizi. J’viens de
l’voir. Oh ! cette bobine ! Il est ficelé dans la
cuisine. Y a plus qu’à le fumer…
– Allons ! dit Jean Nib avec un
soupir. Puisque c’est fait, c’est fait ! Je lui offrais la
vie… il n’a pas voulu…tant pis !… Montre-nous le chemin,
Zizi.
– Par ici ! fit Zizi en s’élançant
dans la direction du bâtiment où étaient enfermées Rose-de-Corail
et Marie Charmant.
Chapitre 72 RÉUNION
Il était près de neuf heures du matin. Dans le
beau salon d’Anatole Ségalens, un certain nombre de personnages
étaient rassemblés : d’abord Ségalens et Jean Nib, ou plutôt
désormais Edmond d’Anguerrand ; puis Rose-de-Corail et Marie
Charmant, ou plutôt Valentine d’Anguerrand ; puis
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