Fleurs de Paris
de
précis. J’ai vu La Veuve et Biribi entrer dans une maison… Est-ce
là que nous retrouverions celles que nous cherchons ?… Qui
sait ?… Qui sait même si on ne les a pas…
Les deux hommes se regardèrent tout pâles.
Mais, écartant les pensées de désespoir contre lesquelles il
luttait depuis plusieurs jours, Ségalens, en quelques mots mit Jean
Nib au courant des recherches qu’il avait faites lui-même pour
retrouver Marie Charmant. Jean Nib se promenait avec agitation…
– Je connais cette maison dont vous me
parlez, dit-il, lorsque Ségalens eut achevé. Je connais l’homme qui
habite là. C’est un nommé Tricot. Il est plus ou moins receleur.
Mais je ne le crois pas capable de s’être prêté à une
séquestration, encore moins à un assassinat… En tout cas, puisque
nous risquons de rencontrer La Veuve il faut y aller. Si nous
tenons La Veuve, nous sommes sauvés… Et pourtant La Veuve… Jeanne
Mareil…
À ce moment, un violent coup de sonnette
retentit.
Ségalens courut ouvrir.
– Zizi ! fit Jean Nib qui
bondit.
– Jean Nib ! Mince ! Il est dit
qu’on se rencontrera partout. Mais ça tombe à pic.
– Rose-de-Corail ?… haleta Jean
Nib.
– Marie Charmant ? interrogeait
fiévreusement Ségalens.
– Minute ! laissez-moi
souffler ! Rose-de-Corail, Mlle Marie, c’est pour ça, que
je viens ! et c’est une fière chance de vous trouver tous les
deux…
– Courons ! fit Jean Nib,
conduis-nous…
– Minute, que j’vous dis ! On a le
temps ! C’est juré, là ! Laissez-moi vous expliquer, au
moins !…
– C’est juste, dit Ségalens en
recommandant le calme à Jean Nib, d’un coup d’œil.
– Courons ! reprit Jean Nib. Marche
devant, Zizi.
– Minute, nom d’une giberne ! J’ai
encore des choses à vous dire. Jusqu’à demain matin, y a pas de
danger, c’est juré. Et puis, s’agit pas d’gafier, à c’t’heure, car
ça deviendrait tout ce qu’y a de mauvais. D’abord, m’sieu Ségalens,
faut qu’vous m’juriez une chose…
– Laquelle ?…
– Au moment que j’m’ai esbigné d’chez
l’père Tricot, j’ai entendu jaser La Veuve, et puis Tricot et puis
Biribi. Vous pensez qu’j’ai ouvert les esgourdes. Bon. Eh
bien ! y paraît que, d’abord, la bande va régler son compte à
une pauv’ petite qu’est aussi dans la cambuse. À une heure du
matin, Biribi doit la fourrer dans un sapin pour la conduire j’sais
pas où… Elle s’appelle Lise…
– Lise ! songea Jean Nib, en
tressaillant. Celle que mon père m’a dit être la fille de Jeanne
Mareil !… La fille de La Veuve !…
– Ensuite, continua Zizi, j’ai appris par
la même occase que le compte de Rose-de-Corail et de Marie Charmant
allait être réglé demain matin par Biribi… Donc, pour moi, y a
qu’un moyen d’empêcher tout ça c’est de pincer Biribi quand y
s’amènera à une heure pour fourrer la petite Lise dans son sapin du
diable…
– En route ! dit Jean Nib d’une voix
rauque.
– Allons ! fit Ségalens, le cœur
battant d’émotion. D’ici la maison Tricot nous ferons notre plan
d’attaque.
Zizi sonna la charge en mettant sa main en
trompette, et tous trois descendirent…
Le concierge fut étonné de voir passer devant
sa loge, habillés en rôdeurs de barrière, M. Anatole Ségalens
qu’il avait toujours vu tiré à quatre épingles et ce gentleman qui
était venu visiter son locataire. Mais comme c’était un concierge
bien stylé, très moderne et d’allure diplomatique, il pensa que ces
messieurs se rendaient à quelque redoute mondaine sous ce
déguisement.
Il était plus de minuit, lorsque Jean Nib et
Ségalens atteignirent la barrière. Zizi marchait à vingt pas devant
eux en éclaireur.
– Êtes-vous armé ? demanda Jean
Nib.
– Ma foi, je n’y ai pas songé, dit
Ségalens. Et vous ?
– Moi, j’ai mon couteau. Il y a cette
différence entre vous et moi que je ne peux pas moi, ne pas penser
à être armé. Je m’appelle Edmond d’Anguerrand, c’est vrai, mais le
surin de Jean Nib ne m’a pas quitté une minute…
Ségalens frissonna.
Il se demanda un instant si Jean Nib, même
devenu riche, même à l’abri pour toujours de la tentation mauvaise,
même avec le fonds d’intelligence qu’il lui reconnaissait,
n’éprouverait pas tôt ou tard une sorte de nostalgie, un regret de
son existence de rôdeur.
Mais il secoua ces tristes pensées en se
disant :
– Je serai là
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