Fleurs de Paris
Lise ;
puis, dans un coin, Zizi et La Merluche.
Voici ce qui s’était passé après la délivrance
des deux jeunes filles, après les indescriptibles scènes qui
avaient suivi cette délivrance :
Tout d’abord, Marie Charmant, mise en présence
de Lise, avait réussi à calmer cette malheureuse enfant qui,
l’esprit affolé, la reconnaissait à peine, et ne cessait de
murmurer :
– Gérard doit m’attendre !… Comme il
doit être inquiet !… Oh ! laissez-moi courir… Je vous dis
qu’il m’attend…
Quant à Tricot, au moment du départ, Ségalens
l’avait délié en lui disant :
– Vous êtes un scélérat. Mais comme je ne
suis pas chargé, après tout, de punir le crime, allez vous faire
pendre ailleurs. Un mot : nous n’avons aucun intérêt à parler
de ce qui s’est passé ici cette nuit. Voyez si votre intérêt à vous
est de parler ou de vous taire !
Et Ségalens s’était éloigné, bien convaincu
que non seulement Tricot se tairait, mais encore qu’il ferait
disparaître le corps de Biribi…
Lise consentit à suivre Marie Charmant, qui
s’ingéniait à la consoler en lui parlant de son père, le baron
d’Anguerrand. La pauvre petite secouait la tête et
répondait :
– Là-dessus, j’ai des choses à vous dire…
Oui, il vaut mieux que je vous parle avant de rejoindre Gérard.
Lorsqu’ils furent arrivés tous chez Ségalens,
Lise semblait avoir repris un peu de calme. Mais ses yeux brillants
révélaient quelle fièvre intérieure la brûlait.
– Après tant d’émotions, dit Ségalens, un
peu de repos sera le bienvenu…
– Pas de repos ! dit Lise avec une
solennité qui les fit tous tressaillir. Pas de repos avant que
j’aie parlé !… Écoutez-moi !… Écoutez ce que j’ai dit au
baron d’Anguerrand ! Il faut que je le répète ici…
– Allons ! fit Marie Charmant avec
un accent de pitié et les yeux pleins de larmes, vous parlerez
demain…
– Non ! fit Lise en secouant la
tête. Tout de suite…
Ils étaient tous autour d’elle, en proie à une
émotion violente. Et ce fut dans un silence lugubre que Lise
commença l’histoire de Jeanne Mareil et du baron d’Anguerrand.
– Tout cela, acheva-t-elle, je l’ai su
par M. d’Anguerrand, par le père de Gérard… Et de tout cela,
de ce que vous m’avez dit vous-même rue Letort, il résulte,
mademoiselle Marie, que je suis, moi, la fille de Jeanne Mareil, et
que vous êtes, vous, la fille du baron…
Marie Charmant avait caché son visage dans ses
mains et pleurait…
Elle apprit ainsi, sans émotion, qu’elle était
la riche héritière d’une grande famille. Si elle pleurait, c’était
en songeant à ce qu’avait dû souffrir son père…
Alors, ce fut au tour de Jean Nib de parler,
de confirmer le récit de Lise et de raconter comment il s’était
reconnu le fils d’Hubert, le frère de Valentine et de Gérard.
Quant à Rose-de-Corail, en apprenant que Jean
Nib était millionnaire, elle l’étreignit longuement en murmurant à
son oreille :
– Je le savais bien, mon homme, que nous
finirions par la… par la richesse, d’une manière ou d’une
autre ! Mais qui sait si nous serons toujours aussi
heureux ?…
– Oui ! répondit Edmond d’Anguerrand
en lui rendant étreinte pour étreinte, car, pour toi, je serai
toujours Jean Nib, et toi, même quand tu porteras le nom
d’Anguerrand, tu seras toujours Rose-de-Corail !…
À ce moment, Marie Charmant causait dans un
angle avec Ségalens.
Ils se tenaient par la main. Que se
disaient-ils ?… Avec les lèvres, des choses insignifiantes
peut-être ; mais leurs yeux proclamaient clairement que, de ce
côté-là, naissait un bonheur sans mélange.
Enfin, vers huit heures et demie du matin,
Jean Nib et Ségalens prirent une grande résolution.
Jean Nib s’approcha alors de Lise, lui prit
les deux mains et lui dit :
– Ma pauvre petite sœur… je vous appelle
ainsi, car vous êtes de la famille… vous allez rester là bien sage…
Ayez confiance en moi… Ce n’est pas à vous d’aller trouver Gérard,
c’est à lui de venir… Je vais aller le chercher ; dans une
heure il sera ici… Allons, n’ayez pas des yeux égarés comme ça… je
me charge de réconcilier Gérard avec mon père, et vous aussi vous
serez heureuse… heureuse près de nous… heureuse près d’une femme
qui nous a fait beaucoup de mal à tous… mais à laquelle nous
pardonnons tous… La Veuve !… car La Veuve,
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