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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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noyait d’ombre… Jean
Nib s’immobilisait dans cette contemplation… L’assassin, peu à peu,
tombait à une rêverie profonde, étrange, qui n’était pas la rêverie
spéciale du crime, qui était quelque chose d’inexprimable qu’il
tâchait pourtant d’exprimer :
    – Qu’elle est belle !… Ou plutôt
qu’elle a dû être belle, jadis !… Car le portrait… il y a des
années qu’il a été fait… Quand ?… Je ne sais pas… mais il y a
longtemps,
c’est sûr
… Oui, voilà un sourire qui dit bien
des douleurs… Qu’elle a dû être bonne ! Oh !… et ses
yeux ! ces grands yeux bleus où il y a comme une
lumière !… Ah ça ! où ai-je vu ces yeux-là,
moi ?
    Jean Nib se disait ces choses, sans que ses
lèvres eussent une agitation, mais un frisson convulsif, parfois,
le secouait. Et il reprit :
    – Ces yeux !… Oh ! mais est-ce
que je vais les voir partout ?… Où les ai-je vus ?
Où ?… Oh ! je veux le savoir ! Cela m’affole…
Oh ! j’y suis ! Ce sont les yeux de cette gosse qui
s’appelle Marie Charmant !… Les mêmes yeux !… ces yeux où
j’ai cru voir, moi, des choses que pourtant je n’avais jamais
vues !…
    Soudain, la vision s’évanouit… Jean Nib venait
de pousser le ressort de sa lanterne.
    Et il reprit sa marche glissante, sans un
craquement, sans une erreur, marchant d’instinct à l’une des quatre
portes qui s’ouvraient sur ce vaste salon – à celle-là et pas à une
autre.
    Quelques minutes plus tard, il se trouvait
devant une serrure à travers laquelle passait un rais de lumière.
Et il dit en lui-même :
    – C’est là !… L’homme que je vais
tuer est là !… Et la chambre voisine, c’est celle de la jeune
fille que je vais tuer !… Le père et la sœur de celui qui me
paye pour tuer !…
    Alors Jean Nib tâta du bout des doigts,
ausculta pour ainsi dire, la serrure : elle n’était pas
fermée !… Il n’y avait qu’à tourner le bouton !…
    Les sourcils de Jean Nib se contractèrent. Il
frissonnait. S’il se fût vu, à cette seconde de lutte suprême
contre la tentation du forfait, il se fût épouvanté…
    Brusquement il secoua sa crinière. D’un geste
rapide, il se fouilla, et lorsque sa main reparut, elle se
hérissait d’une lame épaisse emmanchée solidement… Il n’avait qu’à
ouvrir… et à se ruer !…
    La porte ouverte, Jean Nib s’arrêta
court : l’homme qu’il devait tuer dormait sur un fauteuil…
    Cela lui produisit une étrange impression,
comme si une main eût arrêté sa main.
    Il fit trois pas, le couteau au poing, la
mâchoire violente, les yeux convulsés.
    Si l’homme s’était éveillé à ce moment, il
était mort.
    Le baron Hubert d’Anguerrand dormait près
d’une table sur laquelle il y avait une lampe et un amas de divers
papiers.
    Jean Nib s’approcha jusqu’à le toucher
presque. Le baron ne s’éveilla pas. Il murmurait des mots
confus.
    L’assassin évitait de regarder la victime.
    Son regard errait, hagard, morbide, et
promenait sa flamme de folie dans les angles de cette chambre. Ses
doigts crispés jusqu’à une sensation de douleur se raidissaient sur
le manche du couteau…
    Tout à coup, il leva le poing !…
Lentement, le couteau se dressa dans l’air…
    – Mon fils… balbutia la victime qui, au
fond de son rêve, parlait à quelqu’un.
    Les cheveux de Jean Nib se hérissèrent ;
ses yeux se gonflèrent comme si les larmes eussent voulu jaillir…
et doucement, son poing retomba… et il murmura :
    – Il appelle son fils !… Pauvre
bougre !… Tu ne sais pas quelle affreuse crapule c’est, ton
fils !… Moi, je suis Jean Nib… n’est-ce pas ? Ça veut
tout dire !… Eh bien, je vaux encore mieux que ton
fils !…
    Sourdement, il répéta :
    – Son fils !… Il appelle son
fils !… Allons ! finissons-en !…
    Le couteau, de nouveau, décrivit son
effroyable parabole, et, un instant, demeura suspendu au-dessus de
la poitrine du baron d’Anguerrand.
    – Voilà ! songea l’assassin dans une
sorte de morne délire. Ma main va s’abattre sur la poitrine qui est
là ! Le sang va jaillir… et cet homme sera mort !… Et cet
homme dort !… Et cet homme ne m’a fait aucun mal, à
moi !… Oh ! faire cela !… Être ce que je ne suis pas
encore !… Dégringoler cette dernière pente du crime !…
Tuer !… Tuer ce malheureux qui ne se défend pas, qui
dort !… et appelle son fils !… Oh ! je ne

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