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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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monocle
avec lequel il jouait.
    – Il me reste, reprit-il, à vous exposer,
mademoiselle ma voisine, quel genre de service j’ose attendre de
votre bonté…
    – Le voici… je suis sur le point d’entrer
à l’
Informateur
, le plus beau journal de Paris. Se fiant à
mon huit-reflets… ne vous effrayez pas, mademoiselle, je veux
dire : mon chapeau… se fiant donc à ma cravate, à mes bouts
vernis, à mes gants, à tout ce que je
parais
, le directeur
de ce journal veut faire de moi un reporter mondain, et, pour me
mettre à l’essai, il m’envoie ce soir assister à une grande fête
qui sera donnée par M. le baron Gérard d’Anguerrand, en son
hôtel de la rue de Babylone. Or, mademoiselle, le moindre gardénia
pour la boutonnière, s’il sort d’un bon fleuriste…
    – N’allez pas plus loin, j’ai
compris !
    Vous êtes adorable, fit le jeune homme en
s’inclinant, très ému. Ah ! je vous avais bien devinée,
ajouta-t-il en se levant. Lorsque, parfois, dans l’escalier, je
vous ai rencontrée sans que vous m’ayez remarqué, j’ai tout de
suite vu sur votre visage les signes de la bonté la plus noble.
Aussi bonne que belle ! Et belle… oh ! je vous jure,
comme jamais dans mes rêves…
    – Monsieur, dit Marie Charmant,
voulez-vous choisir votre gardénia ?
    Elle s’était levée. Son sein palpitait. Une
indicible dignité nuancée de tristesse et d’amertume s’était
étendue sur son fin visage où se jouait encore un reste de moquerie
enjouée. Anatole Ségalens s’était arrêté court, tout interdit.
    – Monsieur, reprit la bouquetière en
baissant les yeux, parce que je ne suis qu’une pauvre fille des
rues, vous pensez qu’il vous est permis de parler de choses que je
ne veux pas entendre. Vous m’infligez une cruelle humiliation…
    – Mademoiselle !… balbutia le jeune
homme, qui devint très pâle et s’inclina si bas, qu’en vérité l’on
eût dit qu’il s’agenouillait.
    – Allons, dit-elle avec plus de gaieté,
choisissez votre gardénia…
    – Un mot, mademoiselle, dit Ségalens avec
une sorte de fierté. J’accepte votre aumône, et, pour la mériter,
j’ai fait devant vous ce que je n’eusse pas fait devant un ami
vieux de vingt ans : j’ai raconté le secret de ma pauvre
existence. Je vous ai parlé… pourquoi ? par quelle
force ? je l’ignore… je vous ai parlé comme à une amie en qui
on a mis toute sa confiance. Maintenant, mademoiselle, voulez-vous
me dire que vous ne m’en voulez pas… de quelques mots, qui, malgré
moi… sont montés de mon cœur à mes lèvres… et que… nous sommes
amis ?…
    Il y avait des larmes dans la voix de ce grand
beau garçon de si fière allure, de gestes si respectueux, de regard
si candide ; et ce qu’il venait de dire de sa pauvreté
s’accentuait, devenait plus touchant dans le contraste de la mise
très élégante qu’il portait avec une grâce très cavalière.
    Un soupir gonfla le sein de Marie Charmant.
Elle se détourna en tremblant un peu.
    Puis, tout à coup, avec un sourire
malicieux :
    – Je vais vous choisir votre gardénia… Ne
faisons pas de chiqué, voulez-vous ? Et nous serons amis.
    – Du chiqué ! songea le jeune homme.
Du chiqué ! Où diable prend-elle ces expressions ?
Comment cette merveilleuse créature, qui est la distinction
incarnée, a-t-elle pu ramasser au ruisseau les scories de l’argot
parisien ?… Qui donc l’a élevée ?…
    Déjà Marie Charmant fouillait dans un panier
où de précieuses fleurs de serre, la tige emmitouflée d’ouate,
agonisaient côte à côte. Ses doigts délicats voltigèrent un instant
parmi ces êtres graciles et fragiles, avec des caresses attendries.
Puis elle se retourna vers Anatole Ségalens, et, en bouquetière
experte, d’un geste rapide, d’un tour de main à peine saisissable,
elle épingla le gardénia à la boutonnière du jeune homme.
    *
* *
    Lorsque Marie Charmant se retrouva seule après
qu’Anatole Ségalens eut balbutié un rapide remerciement et regagné
le palier, elle demeura quelques minutes rêveuse…
    – Aimer !… murmura-t-elle tout bas.
Ce serait pourtant si doux !… Je suis seule dans la vie !
Je ne me connais ni amis ni parents, et parfois, moi aussi, je me
prends à rêver d’un joli intérieur où nous serions deux…
Hélas ! qui voudrait d’une fille si pauvre ? une
malheureuse bouquetière de la rue… qui voudrait en faire sa
femme ?… Ce jeune homme a sur le

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