Fleurs de Paris
partie au-dessus du logis
de la bouquetière des rues.
Cette rapide topographie esquissée, nous
entrerons, s’il plaît au lecteur, chez Marie Charmant, par un
après-midi de février, c’est à dire environ une vingtaine de jours
après la scène que nous venons de retracer.
Le logis se composait de deux petites pièces
et d’une sorte de niche creusée dans un gros mur. La première pièce
était ce que Marie Charmant appelait son salon de réception. La
deuxième servait de chambre à coucher. La niche contenait un
fourneau : c’étaient les cuisines, disait la jolie fille des
rues. Le salon de réception était encombré d’une table où elle
disposait ses fleurs, en revenant des Halles, tous les matins, pour
en faire des bouquets. C’était pauvre, mais clair, d’une jolie
gaieté, avec le papier à fleurs bleues collé sur les murs, avec les
photographies d’actrices en vogue disposées en éventails, avec des
menus bibelots de quatre sous disposés avec un goût inconscient
mais sûr.
Il y avait là, outre Marie Charmant, deux
habitants, commensaux de la maîtresse du lieu. Le premier avait son
domicile particulier dans une cage et faisait profession de
chanter : c’était un chardonneret qui s’appelait Gugusse. Le
second était un chat blanc tigré de noir, intelligent, indépendant
comme tous les chats, mais aimant comme tous les chats qui se
savent aimés : il s’appelait Type, nom qui avait dégénéré peu
à peu en
Titype
, puis en
Bibi
nous ne savons pas
pourquoi.
Ce jour-là, donc tandis que Gugusse exécutait
des trilles comme il n’y en a dans aucune musique, et que Titype,
allongé de son long sur un petit tapis, jouissait béatement de
cette jouissance à laquelle atteignent bien peu d’hommes – se
laisser vivre ! – Marie Charmant, qui venait de terminer son
déjeuner, rangeait sa vaisselle dans un petit buffet en noyer
faisant vis-à-vis à l’armoire à glace dans le salon de réception,
touchante et naïve confraternité de meubles disparates.
Contre son habitude, la gracieuse bouquetière
était inquiète et soucieuse. Parfois, elle s’arrêtait dans son
va-et-vient, imposait silence à Gugusse, premier ténor du lieu, et,
immobile, le cœur battant, elle écoutait.
Tout à coup, quelque chose comme un
gémissement lointain, étouffé, lui parvenait :
– Ça recommence ! murmura-t-elle en
tressaillant. Voilà une bonne quinzaine que j’entends cela !…
Qu’est-ce que cela peut bien être ? Pas mèche de le savoir. On
dirait un enfant qui pleure… ou quelqu’un qui appelle au secours…
Est-ce que la maison serait hantée ? C’est ça qui serait
rigolo !… La nuit… c’est la nuit surtout que j’entends ces
plaintes qui ressemblent à celles du vent dans les cyprès des
cimetières…
Elle écouta encore. Mais n’entendant plus
rien, elle reprit son travail.
– Pour sûr que ça vient d’en haut,
continua-t-elle. En haut, c’est le galetas de La Veuve. Qu’est-ce
qu’elle peut bien fricoter ?… Je me méfie de cette figure-là,
moi ! Elle porte le crime sur son visage, cette femme. Aller
lui demander ce qui se passe depuis près de vingt jours dans le
grenier ? Plus souvent, ma biche ! Pas si bête !…
Voyons… Qu’est-ce que je pourrais bien faire pour savoir ?…
Pardieu !… Je vais prendre mon balai et cogner au
plafond !…
Marie Charmant exécuta à l’instant même son
projet. Elle allait heurter… À cet instant, on frappa à sa
porte…
Elle s’arrêta, saisie, toute pâle, les yeux
tournés vers la porte.
Elle ouvrit en tremblant…
Et alors, de pâle qu’elle était, elle devint
subitement pourpre ; elle demeura interdite : devant
elle, le chapeau à la main, un jeune homme de vingt-cinq ans
environ, ganté de frais, irréprochable avec son pardessus du bon
faiseur, ses souliers éblouissants, son pantalon au pli savant, sa
cravate sobrement opulente sous un col immaculé ; ce jeune
homme, donc, monocle à l’œil, souriant, beau garçon, à coup sûr,
robuste et souple, s’inclinait avec grâce devant la pauvre
bouquetière, et disait :
– Mademoiselle, voulez-vous me faire
l’honneur de m’accorder une minute d’hospitalité ? J’aurais un
service à vous demander, léger pour vous, important pour moi. Et
pour excuser ce que ma démarche pourrait avoir de trop hardi,
peut-être, laissez-moi vous dire que je suis votre voisin…
– Entrez, monsieur. Entre voisins on se
doit aide et
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