Fleurs de Paris
Charmant, qui entra alors.
– Mille services ! Un million de
services !
– Voici, monsieur Ernest ;
seulement, il faut que ça reste entre nous, tout à fait…
– C’est juré.
– Eh bien ! il y a deux mois,
rappelez-vous, monsieur Ernest, un soir que j’avais perdu ma clef
et que je voulais aller chercher le serrurier pour ouvrir ma porte,
vous êtes monté, et cric crac, je n’y ai vu que du feu, mais la
porte a été ouverte. Il s’agirait de me rendre le même service.
Voulez-vous ?
Zizi sourit orgueilleusement, alla soulever un
coin du matelas de son lit et exhiba une collection de pinces et de
fausses clef, attirail presque parfait de cambrioleur.
– Moi, voyez-vous, dit-il, j’ai raté ma
vocation, mademoiselle Marie ; j’aurais dû me mettre
serrurier ; j’ai fait six mois d’apprentissage chez un
serrurier de la rue Ramey. À preuve que j’ai conservé mes
outils !…
Mais dites donc, c’est-y que vous avez encore
perdu votre clef ?
– Non, fit Marie Charmant ; il
s’agit d’une autre porte… celle qui est au-dessus de moi…
– Le galetas de la Veuve ? dit Zizi
stupéfait.
– Eh bien ! oui, monsieur Ernest…
Une curiosité que j’ai là ! Vous allez m’ouvrir cette porte,
et puis vous redescendrez et vous n’en soufflerez mot à personne…
Et puis vous ne chercherez pas à m’épier, à savoir ce que je vais
faire… Dites ? je vous en prie…
– Mademoiselle Marie, vous me diriez de
sauter par la fenêtre que ça serait fait illico, les pieds devant
ou la tête la première, à votre choix… Commandez donc, et
j’obéirai.
– Venez donc et hâtons-nous, fit Marie
Charmant, qui frémit de pitié à cette poignante parole du
gavroche.
Quelques instants plus tard, Zizi-Panpan se
mettait à travailler la porte qui ouvrait le galetas de La Veuve,
éclairé par une lampe qui tremblait dans la main de Marie toute
palpitante. Au bout de cinq minutes, la porte s’ouvrit, et Zizi,
ramassant ses
outils
, redescendit.
Et Marie Charmant entra !…
Chapitre 19 VALENTINE D’ANGUERRAND
C’était une sorte de boyau mansardé dont la
plus grande partie était occupée par une foule de ballots de toute
dimension, de toute espèce.
Marie Charmant, ayant saisi son panier et sa
lampe, était entrée en poussant vivement la porte derrière elle
d’un rapide coup d’œil, elle embrassa le tableau fantastique dont
sa lumière éclairait vivement les arêtes, tandis que les fonds
demeuraient obscurs ; et alors lui apparut une jeune fille aux
traits pâlis et maigris, aux yeux égarés, avec une expression de
terreur et de désespoir qui fit frissonner la bouquetière… C’était
Lise…
Marie Charmant déposa sa lampe sur la petite
table et, serrant dans les siennes les deux mains de la pauvre
séquestrée :
– Je vous aimais sans vous avoir vue,
dit-elle d’une voix émue, mais maintenant que je vous connais, je
sens que ma sympathie ne me trompait pas. Voulez-vous me permettre
de vous embrasser ?…
Et, sans attendre la réponse, elle serra dans
ses bras la jeune fille, qui tremblait de tous ses membres.
– Êtes-vous bien sûre, au moins, qu’on ne
vous a pas vue ? demanda Lise avec un accent d’indicible
terreur.
– Pas de danger. On ne me la fait pas, à
moi. La Veuve est en balade, je ne sais où, chez le diable, sans
doute.
– La Veuve ?
– Oui. La mégère qui vous a mis dans ce
pétrin dont j’espère bien vous tirer, quoi que vous en disiez.
– Oh ! fit Lise on joignant les
mains, c’est qu’elle nous tuerait toutes deux, voyez-vous !
Moi, ça m’est égal de mourir…mais vous, si jeune, si belle et si
aimable… Elle me l’a dit : « Si tu appelles, si quelqu’un
t’entend ou te voit, malheur à ce quelqu’un !… » Et j’ai
compris que cette femme est décidée à tout, même à un
meurtre !… »
– Pauvre petite ! dit Marie
Charmant. Comme elle tremble ! Quand je vous dis de ne pas
avoir peur, là ! C’est juré, comme dit Zizi ! Mais
voyons, d’abord, je suis là à bavarder comme une pie, et je ne
songe pas que je suis montée pour vous inviter à dîner… Vous voulez
bien ? Oh ! mais voilà que vous tournez de
l’œil !…
– Je me meurs de faim…
De grosses larmes roulèrent sur les joues de
Marie Charmant qui s’écria :
– Oh ! la scélérate !…
Comment ! elle ne vous donne même pas à manger ?
– Pas tous les jours, bégaya Lise.
– Comment, pas
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