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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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soir…
Paraît qu’elle avait aussi une fille qui s’appelait Suzanne… ou
Suzette…
    – Suzanne !… Suzette !…
balbutia Lise avec cet accent spécial des gens qui parlent en
rêvant, ou comme si elle eût écouté en elle-même l’écho lointain,
très lointain, qu’éveillaient ces noms Louis !…
Suzette !…
    – Pour en revenir à mon histoire,
continua Marie Charmant, si vous êtes tourmentée par La Veuve, je
le fus, moi, par la mère Gibelotte. C’est elle-même qui, un jour,
m’a raconté qu’elle ne m’était rien. Vous n’avez pas idée de ce que
la mère Gibelotte était mauvaise : c’est à croire qu’elle
avait la rage dans le ventre. Pourtant, je ne lui avais jamais rien
fait. Au contraire, je lui obéissais, au doigt et à l’œil !
Pas de danger que j’aurais fait de la rouspétance, comme dit le
père Chique. Si elle me battait ! Comme plâtre,
figurez-vous ! J’en avais les bras et les jambes
noirs de
bleus
. (Sans doute Ségalens eût admiré la hardiesse de cette
image s’il eût été là, mais Ségalens n’était pas là…) Elle me
griffait, me mordait, pour un oui, pour un non. Quant aux gifles et
aux coups de pied, je ne les compte pas… « Mère Gibelotte,
j’ai faim… » Pan ! un coup de pied dans le ventre !
Comme dans la complainte des trois petits anges, vous
savez ?
    – Non, je ne sais pas… fit Lise en
frissonnant.
    – Faut vous dire que j’ai enduré la faim
et la soif… tout comme vous, maintenant. Seulement, vous êtes
grande et vous pouvez vous défendre. Moi, j’étais toute gosse.
Aussi, la mère Gibelotte s’en payait des tranches ! Quand j’y
pense, j’en ai la fringale et la petite mort dans le dos.
Figurez-vous que cette chipie m’envoyait vendre des fleurs. Tous
les matins, je partais avec mon petit panier, et tant qu’il n’était
pas vide, défense de rentrer ! Défense d’acheter même un petit
pain d’un sou ! Le malheur était que les fleurs étaient
toujours fanées, et que personne n’en voulait. Aussi, quelles
danses ! Quand la recette était trop mauvaise, elle
m’attachait au pied de son lit, et je devais rester debout toute la
nuit. Si le sommeil me terrassait, elle me relevait d’un coup de
fouet !… Enfin, je dépérissais, je me mourais de chagrin, de
faim, et de mauvais coups. À ce moment-là, j’allais sur mes douze
ans…
    – Mais pourquoi ne vous êtes-vous pas
sauvée ?
    – Vous allez voir, dit Marie Charmant. Il
faut vous dire que j’avais une passion : c’était un chat. Or
un soir, en rentrant, je trouvai la mère Gibelotte qui, ayant
achevé de dîner, me dit « Sais-tu ce que je viens de
manger ? – « Non », que je lui réponds en tremblant.
– « Eh bien ! dit-elle doucement, c’est ton chat… Au
moins, tu ne m’embêteras plus avec cette sale bête… » Pendant
huit jours, je fus malade. Le matin du neuvième jour, je partis
pour aller vendre des fleurs et je ne rentrai pas chez la mère
Gibelotte. Je n’y suis jamais rentrée… Voilà mon histoire.
Qu’est-ce que vous en dites ?… Il faudrait encore vous
raconter comment j’ai vécu depuis, comment j’ai grandi, comment
j’ai pu m’installer à mon compte. Je vous dirai tout ça une autre
fois : pour ce soir, je crains que La Veuve ne rentre et ne me
surprenne ici…
    Marie Charmant se leva.
    – Restez encore un instant, je vous en
supplie…
    Elle hésitait. Elle avait quelque chose à
dire, et ne savait comment l’exprimer. Enfin, elle
balbutia :
    – Alors, vous aussi, vous êtes une enfant
trouvée ?…
    Marie Charmant, tout entière aux souvenirs
qu’elle venait d’évoquer, ne releva pas, n’entendit pas peut-être
ce « vous aussi ». Elle répondit vaguement en suivant sa
propre pensée qui la reportait à son enfance misérable.
    – Enfant trouvée… ou achetée. Car la
Gibelotte a toujours prétendu m’avoir achetée à des gens qui en
avaient assez de moi, et qui m’avaient trouvée, paraît-il,
une
nuit de Noël

    Ces mots « 
une nuit de
Noël
 » retentirent en elle avec le fracas d’un coup de
tonnerre.
    – Qu’avez-vous ? s’écria Marie
Charmant, épouvantée.
    – Rien, rien ! bégaya Lise d’une
voix étranglée. Répondez-moi, je vous en conjure… Vers quelle
époque ces gens que vous dites vous ont-ils trouvée ?…
    – Oh ! fit Marie Charmant sans
attacher d’importance à cette question, et ne s’inquiétant que de
l’exaltation de la

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