Fleurs de Paris
chez vous ?
demanda rudement Gérard.
La Veuve se tourna vers Adeline, et avec un
terrible sourire :
– Vous n’aurez qu’à suivre
madame !…
Elle salua d’un signe de tête… L’instant
d’après, elle avait disparu.
Longtemps, Gérard et Adeline se regardèrent en
silence. Ils frissonnaient…
Chapitre 18 ZIZI SE DESSINE…
Le surlendemain, à la tombée de la nuit, La
Veuve sortit de chez elle.
Dans la rue Letort, environ une demi-heure
avant que La Veuve sortît, nous retrouvons deux personnages que
nous avons déjà aperçus, c’est-à-dire Zizi-Panpan et La Merluche,
toujours en quête de chapardage à l’étalage, et rôdant le nez au
vent, l’œil à l’affût.
Zizi-Panpan portait deux bouteilles de vin que
le fidèle La Merluche venait de subtiliser à un épicier de la rue
Clignancourt.
Et il chantait à tue-tête :
De quoi qu’y a six ?…
Y a six tême métrique.
Y as-six-tez-vous z’ici.
Mais de quoi qu’y a qu’un ?
Y a qu’un ch’veu
Sur la tête à Mathieu !…
Un homme qui, lent et grave, vêtu du costume
des gardiens de la paix, se promenait à vingt pas devant les
maraudeurs, dressa l’oreille et grommela :
– Serait-ce à moi-même que ce vaurien
fait
allusion
?
Cet homme, c’était le propre père du digne La
Merluche, l’agent Chique.
– Oui, mon vieux Merluchon, dit Zizi en
interrompant sa chanson, tel que tu me vois, j’ai raté ma vocation,
moi : j’aurais dû me mettre rôtisseur. À la bonne heure, en
voilà un de métier ! Toujours au chaud, toujours le nez à la
bonne odeur des volailles !
– Ça c’est vrai, approuva le fils de
l’agent Mathieu Chique.
– Ainsi, poursuivit Zizi-Panpan, pige-moi
le rôtisseur d’en face… C’est dégoûtant de voir des gens aussi
heureux par un temps pareil ! Merluchard, vas-y choper un de
ses poulets, ça lui apprendra, à ce mufle de rôtisseur. Et puis, je
t’invite !
– Tu m’invites ? Vrai ? fit La
Merluche.
– Quand je te le jure, là ! Et tu
verras ma frangine ! La perspective de dîner en société avec
Zizi, et surtout avec Magali, décida La Merluche, qui fit un
mouvement pour traverser la chaussée. Mais il s’arrêta soudain, en
murmurant :
– Pet ! Pet ! V’là z’un
flic !…
– De quoi, un flic ? fit Zizi. C’est
ton père. Attends, je vas le rembarrer, ton dab !
L’agent Mathieu Chique avait exécuté un
demi-tour menaçant et, revenant sur ses pas, cherchait des yeux le
chanteur. Zizi-Panpan se dirigea droit sur lui, tandis que La
Merluche se faufilait vers l’étalage du rôtisseur, sans que son
père l’eût aperçu.
– Hé ! m’sieur Chique, fit le voyou,
je vous cherchais justement.
– Tu me cherchais, galopin, graine de
Fresnes ! gronda l’agent.
– Je vous cherchais, que j’vous dis,
m’sieur Chique ! Et c’est pour vous rendre service. Il y a un
rassemblement devant la mairie. Ça doit être une manifestation de
socialos !… Courez vite !…
Mathieu Chique n’en écouta pas davantage,
s’élança dans la direction de la mairie :
– Hé ah !… fit Zizi en se tournant
vers le rôtisseur.
– Hohé !… répondit La Merluche, du
trottoir d’en face.
Les deux maraudeurs se rejoignirent. Pendant
le colloque de Zizi et de Mathieu Chique, le fils de l’agent avait
opéré : il montra le poulet rôti qu’il venait d’enlever.
– C’est bien, dit simplement Zizi,
t’auras ta part.
Quelques minutes plus tard, Zizi et La
Merluche pénétraient dans le pauvre logis où nous avons entrevu
Magali. Il n’y avait pas de lumière. Il n’y avait pas de feu. Le
logement était d’un silence noir.
– Magali ! appela Zizi qui avait
laissé la porte entr’ouverte.
Et comme il ne recevait aucune réponse, il
frotta une allumette. Alors il constata que la chambre était vide.
Et comme, perplexe, il se grattait la tête, ses yeux tombèrent sur
une enveloppe placée sur la table. Il l’ouvrit ; elle
contenait une lettre qu’il se mit à lire. Quand il eut achevé, il
s’assit sur une chaise, un peu pâle, et murmura
tristement :
– Ben, zut, alors !
– Et ta frangine ?
demanda La Merluche.
Voyant que Zizi-Panpan ne lui répondait pas,
il reprit :
– Alors, on briffe ?… Boulottons
toujours le poulet, on laissera une aile pour ta frangine…
– Ma frangine ? le poulet ?…
fit Zizi d’une voix enrouée. En fait de poulet, pige-moi celui
qu’elle m’a
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