Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
sentir que j’aime… moi ?… que je
l’aime ?… que je l’aimerai toujours ?…
    Il ferme rudement les paupières. Un rire
atroce démasque sous ses lèvres livides ses dents de carnassier. Et
il dit ceci :
    – Je l’aime !… Moi !
Moi !… J’aime !…
    – Ah ça ! bourgeois ! Voilà dix
minutes qu’Ernestine tape du sabot devant les grilles de la
ménagerie… Ah ! il faudrait un dompteur d’attaque, là dedans,
un fameux !…
    Goguenard, le vieux cocher du fouet désigne la
Bourse.
    Le client tressaille, regarde autour de lui.
Hagard, il saute de la victoria, tend un louis à son conducteur et
s’éloigne vers les boulevards.
    Quelques instants… et l’homme… le prisonnier
du chef de la Sûreté, le mari de Louise, Georges Meyranes, se
faufile dans la foule, se noie dans le flot des larges trottoirs…
Il disparaît… il a disparu !
    *
* * * *
    Six jours écoulés.
    Là, sur le trottoir, immobile parmi les flots
de poussière, épave parmi les ordures de Paris qui fait sa
toilette, presque accoté à la poubelle d’une porte cochère, blême
dans la bataille qui dura depuis six nuits, la tête vide, une
flamme de crime au fond de ses prunelles, c’est lui !…
    Lise le reconnaîtrait-elle ?…
    Il a changé la coupe et la couleur de ses
cheveux et de sa fine moustache. Avec l’art suprême des grimes de
génie, d’un rien, d’une ombre, d’un pli de ride, il s’est créé une
identité nouvelle…
    Sa main, dans sa poche, froisse, compte et
recompte sa fortune : un, trois, six billets de cent… c’est
tout !
    Perdus, les cinquante pauvres papiers bleus de
maman Madeleine !… Envolés les deux cent mille francs qu’il
eut un moment devant lui… « Faites vos jeux,
messieurs !… » Oh ! la voix monotone des
croupiers ! Oh ! le coup de râteau qui rafle les
jetons ! « Mille louis en banque ! faites vos jeux
messieurs ! » Oh ! la fantastique, l’effroyable
bataille, les sourires verts autour du tapis vert !…
    Rien ! plus rien ! Six cents francs
en poche !…
    – Quoi, maintenant ? Où ? …
Comment ?… Me tuer ? Recommencer le coup de
revolver ? Misérable !…Mais je ne veux plus mourir à
présent ! Mourir !… Ne plus la voir !… Y
aller ?… Tenter cela encore ?… Me colleter avec ce
spectre !…
    Un grand frisson le secoue de la tête aux
pieds…
    Plus blême, d’un vague mouvement de la main,
il écarte de son front la pensée qui l’assaille…
    – Je n’irai pas ! Oh ! pas
cela ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas !…
    Et en même temps, il se met en marche !
Tout droit par la rue Auber, il marche vers la gare Saint-Lazare.
Et le voici qui monte l’escalier, poussé par une force
invisible ; et le voici dans le hall immense où les trains
ouvriers dégorgent les armées de l’énorme labeur parisien : et
le voici devant le guichet, où sa voix rauque étonne la
distributrice :
    – Quand le premier rapide de
Bretagne ?
    – Dans vingt minutes…
    – Un coupon pour Brest !
    Dans le fauteuil capitonné du sleeping, la
tête dans les deux mains, une flamme de crime au fond des prunelles
fixes, il gronde :
    – Non ! non ! Pas cela !
Je ne peux pas ! Je n’irai pas !…
    Et il va !… Le rapide échevelé l’emporte,
l’entraîne, halète, souffle, rugit, dévore l’espace… Et sa
conscience, plus forte, plus haut que les mugissements du rapide,
souffle, halète, tempête et hurle…

Chapitre 3 LE NOM DU MARI DE LISE
    À Brest, toute une nuit et un jour encore,
Georges Meyranes s’arrête et se débat contre lui, contre le crime
en gestation dans son âme.
    Brusquement, il se remet en route. À
Saint-Renan, il frète une carriole. Dans un paysage formidable où
le granit crève la terre, la carriole marche droit dans le vent.
Soudain, non loin de Prospoder, comme le jour meurt, celui qui
s’appelle Georges Meyranes saute sur le sol, renvoie la carriole,
et, à pied, la tête dans le vent, talonnant le granit, seul dans le
formidable paysage, il marche… Tout à coup, il fait halte.
    C’est la côte ! Les confins du
monde ! Les rocs noirs, sentinelles chevelues d’algues
dressées contre l’éternel assaut de l’Océan.
    Et là, face à l’abîme qu’il surplombe, hissé
sur un piédestal de roches géantes, énormes et défiant les vagues
accourues des horizons de mystère, là, se dresse un château, un
vieux manoir à demi éventré.
    Qui peut habiter là ?… Quel
pirate ?…

Weitere Kostenlose Bücher