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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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un liard
vaillant, ne serais-je pas devenu larron, moi aussi ?
    — Vous
peut-être, mais pas Samson.
    Je
notai, non sans un plaisir secret, que mon père ne pensait même pas à
mentionner François. Je poursuivis :
    — Samson,
certes, est un ange. Mais le jour de mes six ans, il a dérobé un pot de miel
pour me nourrir. Observez, monsieur mon père, l’énorme différence de la
rétribution : le fouet pour un pot de miel, et la hart pour une tranche de
jambon.
    — Il
est bien dommage, dit mon père avec froideur, que vous étudiez la médecine.
Vous feriez un bon avocat.
    — Peux-je
poursuivre, néanmoins ?
    — Miroul
sera pendu. Mais vous pouvez poursuivre.
    — Mon
père, allons-nous pendre un drole assez hardi et agile pour s’introduire sans
coup férir la nuit dedans le château de Fontenac ? Qui peut dire si un
jour nous n’aurons pas besoin de ses talents ?
    Ici,
je fis mouche, je crois. Mais mon père ne consentit pas à l’admettre. Il dit
d’un air renfrogné, ou qui se voulait tel :
    — Je
ne sais de qui vous tenez votre obstination. De votre mère, peut-être.
    — Non,
monsieur, mais, avec votre respect, de vous-même. D’ailleurs, je vous ressemble
fort. Tout un chacun le dit.
    Cela
mon père ne l’ignorait pas. Mais je savais aussi qu’il aimerait l’entendre,
surtout de ma bouche.
    — Voilà,
dit-il, content mais non pipé, une excellente captatio benevolentiae [25] Mais nous sommes presque rendus. Il est temps de conclure.
    Et
en effet, nous nous engagions, à cet instant, sur le troisième pont-levis.
    — Monsieur
mon père, dis-je de mon ton le plus pressant, c’est moi qui ai découvert le
larron. C’est moi qui l’ai réduit. Et c’est moi qui l’ai capturé. Puis-je vous
demander la grâce de me le donner pour qu’il soit à mon service, comme Franchou
à celui de Catherine ?
    Mon
père leva le sourcil, s’arrêta net au milieu du pont et, tournant la tête, me
jeta un coup d’œil vif auquel je répondis par mon plus innocent regard.
    — In cauda venenum [26] ! s’écria-t-il en prenant le parti de rire. Ha, Pierre, tu es plus malicieux, à
toi seul, que femme, chat et singe réunis !
    Je
lui fis face :
    — Mais,
mon père, Miroul ?
    — Nous
verrons.
    Je
me jetai dans ses bras et, me haussant sur la pointe des pieds, je le baisai
sur les joues, les larmes coulant sur les miennes. Il me rendit avec vigueur
mon étreinte puis, se dégageant, souriant, l’œil en fleur, ayant retrouvé d’un
coup l’allégresse avec laquelle il s’était levé, il prit mon bras et
m’entraîna, presque courant, vers la salle commune.
    Nos
gens y mangeaient autour de la grande table, mais cois, et la mine longue.
Celle-ci s’allongea encore quand mon père et moi, passant dans le charnier, en
revînmes, ô merveille, avec Miroul, que nos gens avaient vu sortir avec nous
quelques minutes plus tôt. L’ébahissement fut prodigieux. La Maligou commença à
se signer convulsivement, mais la bouche à peine ouverte pour ses éjaculations
coutumières, mon père la lui verrouilla.
    — Assez
de clabauderies, Maligou ! Il n’y a pas là magie, mais grande adresse et
agilité. Je l’ai vu comme je te vois. Pierre, va serrer Miroul dans la tour
nord-est. Monsieur l’Écuyer et moi, nous allons consulter sur son sort. Ils
consultèrent. Et Miroul, que mon père nous donna, en effet, à Samson et à moi,
et qui aida d’abord au domaine, au grand soulagement des frères Siorac, est
encore à ce jour à notre service, nous ayant suivis, mon frère et moi, à
Montpellier, dans le cours des études que nous y fîmes, et plus tard à la Cour
du Roi à Paris, et à travers maintes aventures, comme je dirai.

CHAPITRE XI
     
     
    Du
29 août 1563  – date de la merveilleuse apparition de Miroul en notre
charnier  – au 28 mai 1566  – jour où Samson et moi, avec le même
Miroul, comme valet, quittâmes Mespech pour gagner Montpellier  –, trois
années s’écoulèrent où, tournant le dos à mes maillots et enfances, je devins
homme. Non pas que je ne crusse l’être déjà à douze ans, puisqu’à mes yeux j’en
avais les privilèges, depuis la courte épée qui battait mon côté, jusqu’à
l’usage que je faisais de mes nuits. Mais, à la vérité, l’âge d’homme a ceci de
commun avec l’horizon qu’il recule au fur et à mesure que vers lui on s’avance.
Aussi faut-il savoir gré aux Parlements d’avoir fixé la majorité à quinze

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