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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pourpoint,
l’œil point du tout aussi angélique que Samson, la taille très redressée, et
l’air à la fois fatigué et fringant.
    — D’où
vient ce quidam ? dit-il en désignant l’intrus avec un air d’allégresse
qui ne paraissait pas appeler sa présence en nos murs.
    Me
levant, je lui fis aussitôt un récit à peu près sincère, mais non point
complet, car, ne voulant point charger le larron, j’omis de dire qu’il s’était
rué sur moi, son couteau à la main. Omission dont je vis bien que le pauvre
drole me sut gré, car ses yeux vairons, attachés aux miens, s’embuèrent de gratitude.
    Tandis
que je parlais, mon père se dégagea peu à peu de l’espèce de brume heureuse qui
l’entourait, et quand j’eus terminé, il était de nouveau sur terre, sourcilleux
et rembruni. Car enfin, si ce jeune drole pouvait, sautant nos murs, nos
douves, et perçant nos défenses, parvenir jusqu’au cœur du logis, d’autres le
pourraient aussi, qui seraient plus redoutables.
    — Drôle,
dit mon père, restant, lui aussi, à bonne distance, mais pour toute autre
raison que la Maligou, comment te nomme-t-on ?
    — Miroul.
    — Et
d’où viens-tu, Miroul ?
    — D’un
hameau nommé la Malonie, près de Vergt.
    — Ha !
dit mon père avec un soupir de soulagement. Du Périgord vert ! (car le
nord de la province n’était pas touché par la peste). Es-tu passé par lieux
infects ?
    — Nenni.
J’ai évité les bourgs et les villages. J’ai vécu et dormi dans les bois.
    — Comment
t’es-tu fait larron ?
    — Le
vingt-cinq du mois dernier, des gueux armés, la nuit, ont occis ma famille, dit
Miroul, ses yeux vairons se remplissant de larmes, égorgeant mon père, ma mère,
mes frères, mes sœurs  – celles-ci en les forçant d’abord. Je me suis
caché dans le foin de la grange, et dès que les méchants furent saouls, je
ramassai le grappin que voilà, et ce couteau, et je m’enfuis.
    — Et
à ton tour tu t’es fait gueux ?
    — Pas
tout à plein, dit Miroul en redressant la tête. Je ne dérobe rien au pâtre ni
au laboureur. Je dérobe aux châteaux. Et jamais deux nuits le même. Et
seulement ma nourriture. Il y a trois nuits, Laussel. Avant-hier, Commarque.
Hier, Fontenac. Et cette nuit, Mespech.
    — Fontenac ?
dit mon père en levant le sourcil. Tu as réussi à t’introduire dedans le
château de Fontenac ?
    — Ce
fut jeu de pucelle, dit Miroul. Des quatre, c’est Mespech qui m’a donné le plus
de mal.
    — Comment
fais-tu, Miroul ?
    — Je
me plie les pieds avec des chiffons, et mon grappin aussi, et j’escalade les
murs un peu avant l’aube.
    — Pourquoi
si tard ?
    — C’est
l’heure où les veilleurs dorment, sentant la nuit proche de sa fin.
    — Et
les chiens ?
    — Les
chiens me reniflent, me lèchent et n’aboient pas.
    — Ce
serait merveille si je pouvais te croire !
    — Moussu
lou Baron, dit Miroul avec une sorte de dignité, je suis larron, hélas, mais
point menteur. Si vous le désirez, je puis refaire devant vous tout mon chemin,
du bas de votre muraille jusqu’à votre charnier.
    Jean
de Siorac le regarda, et dit avec quelque froideur, feinte ou non, je ne
saurais dire :
    — C’est
te donner beaucoup de mal pour être pendu après.
    Miroul
secoua la tête avec plus de tristesse que de terreur.
    — Je
ne crains pas la corde, n’aimant point la vie que je mène. C’est solitude le
jour, et vilenie la nuit. Seule la panse me pousse. Mais je suis fort travaillé
de mes larcins en ma conscience, sachant que le Seigneur déteste toute
abomination, et qu’il est grand en sa puissance et qu’il voit tout.
    À
cette citation de l’Ecclésiaste, Sauveterre dressa l’oreille.
    — Miroul,
es-tu de la Religion ?
    — Oui-da,
et ma défunte famille aussi.
    Il
y eut un silence, et mon père dit :
    — Eh
bien, Miroul, refais devant moi ton chemin, si tu le veux. Pierre, délie-le.
    Et
se tournant vers nos gens, il ajouta :
    — Seuls
M. de Sauveterre et mes droles m’accompagneront. Le reste restera ici à manger,
mais sans mettre le nez dehors.
    Le
pauvre Escorgol, à qui mon père expliqua en mots brefs et coupants l’aventure,
quand il parut au fenestrou, fut si ébahi et chagrin de cette nasarde qu’il en
resta tout coi, si bon bec qu’il fût à l’accoutumée, se contentant de fourrer
ses deux auriculaires dans le trou de ses oreilles et de les y faire tourner
comme toupies.
    — Escorgol,
dit mon père,

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