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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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enclouée sur son lit par son extrême faiblesse.
    — Mon
Pierre, dit-elle un jour, de sa voix maintenant si ténue, il ne m’est que
d’ouïr chanter ce psaume pour me ramentevoir ma chevauchée en croupe avec toi
sur le sentier du Breuil, il y a trois ans passés de cela.
    Au
début qu’on l’avait installée dans la petite chambre du bas, Barberine venait
fort souvent, mais elle ne savait rien faire que pleurer à grosses et amères
larmes des heures durant, ce qui troublait si fort la petite Hélix que mon père
conseilla à la nourrice de faire des visites plus brèves et moins fréquentes.
Le reste de nos gens avait consigne de donner un bonjour à la porte sans entrer
plus avant, en particulier la Maligou, qui ne pleurait pas autant, mais en
revanche, fatiguait la malade par ses clabauderies infinies.
    Ma
petite sœur Catherine, ses nattes blondes pendant tristement sur son fin
visage, vint un jour la visiter, une poupée dans les bras, et la petite Hélix,
qui était dans un de ses répits, lui demandant la poupée, la serra et la berça
dans ses bras, malgré son âge, comme si ce fût là un enfantelet véritable, avec
un air de visage tout à fait riant et heureux. Voyant quoi, Catherine lui
dit :
    — Hélix,
je te la donne. Elle est à toi !
    Ayant
dit, elle s’en sauva, ses nattes volant derrière elle, pleurer tout son saoul
dans sa chambre la perte de sa poupée, à qui elle avait voué une ardente
tendresse. J’y fus la retrouver dès que je pus, me doutant bien de son grand
chagrin. Elle logeait maintenant dans la chambre majestueuse de ma mère, la
plus grande et la plus belle de Mespech, ayant des rideaux de pourpre et d’or
devant ses belles fenêtres à meneaux, et un lit à baldaquin fort richement
orné. C’est dans ce lit, tous rideaux tirés, et qui paraissait si grand pour
son petit corps, que je la trouvai sanglotante, et que je réussis à la
consoler.
    De
ce jour, la poupée ne quitta plus les bras de la petite Hélix qui, en effet,
paraissait maintenant fort petite, étant si maigre et si fragile. Me rappelant
qu’une nuit, quand elle était saine et gaillarde, elle m’avait réveillé pour me
confier sa terreur de l’enfer en raison de « son gros péché », je
craignais qu’elle ressentît cette terreur à nouveau, en même temps que
l’appréhension de sa fin. Mais bien au contraire, dans les rémissions de ses
douleurs, la poupée serrée dans ses bras, elle paraissait sereine et presque
gaie.
    Au
fil des jours, tantôt l’un, tantôt l’autre, passait la tête par la porte
entrebâillée et disait : « Adieu, Hélix ! Come va ? »
À quoi elle ne disait mot quand elle était dans ses souffrances. Sinon, elle
faisait un doux petit sourire et répondait en chantonnant et en berçant sa
poupée : « Mieux ! Mieux ! Beaucoup mieux ! »
    J’ai
souvent pensé depuis que cette poupée, c’était ce que j’avais été pour elle en
mes plus jeunes années, objet d’une tendresse immense de cette Ève enfant
 – péché de corps ensuite, et non pas d’âme.
    La
Gavachette venait voir aussi la petite Hélix en sa chambre, mais elle en fut
bannie, et bien je me souviens comment. Encore qu’elle eût à peine onze ans
comme ma petite sœur Catherine, elle en était à se chercher d’autres jeux que
sa poupée, la charnure bien poussée déjà, faisant des mines, se tortillant, et
l’œil, qu’elle avait noir, fendu et liquide, très effronté en ses regards.
    Malgré
son excessive faiblesse, ces manèges n’échappèrent point à la petite Hélix, qui
me souffla à l’oreille :
    — Mon
Pierre, renvoie-moi ce petit corbeau. Il tournoie trop autour de toi.
    Ce
que je fis incontinent, mais la fille de Roume, rusée comme dix serpents, se
rebella tout soudain, fronçant le nez, crachant feu et flammes, et quand la
colère aussi me vint, me saisissant des deux bras à la taille, elle se colla
contre moi pour non pas être poussée dehors. J’y parvins cependant, mais la
porte refermée, me retournant, je vis la petite Hélix en pleurs, ses yeux
désespérés fixés sur moi.
    Ce
furent ses dernières larmes. Le lendemain, qui était un 25 avril, elle était
calme à nouveau et fort sereine.
    À
midi, Faujanet ayant passé à sa tête par la porte et lui ayant souhaité le
bonjour comme à l’accoutumée, elle lui dit :
    — Mon
pauvre Faujanet, tu es pour faire bientôt mon cercueil.
    Oyant
quoi, Faujanet rougit, et resta la bouche ouverte, son

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